La création d’une « contribution climat-énergie » pour taxer les gaz à effet de serre a été annoncée dans la droite ligne du Grenelle de l’environnement...
Elle devrait voir le jour en 2011. Les pistes privilégiées conduiraient à taxer davantage les ménages modestes.
Plus nous taxerons la pollution et plus nous pourrons alléger les charges qui pèsent sur le travail. C’est un enjeu immense. Il existe au moins un domaine sur lequel le chef de l’Etat se dit prêt à augmenter les impôts, c’est celui de la fiscalité environnementale, comme il l’a indiqué lundi 22 juin 2009, devant le Congrès à Versailles.
Pour lutter contre le réchauffement climatique, l’une des pistes est en effet de taxer les produits qui contiennent du carbone. Mais cette proposition risque de frapper d’abord les foyers les plus démunis.
En quoi consiste la taxe carbone ?
Cette taxe vise à rendre plus chers les produits qui ont nécessité davantage de gaz à effet de serre pour être produits, afin d’en détourner les consommateurs. Par exemple, la consommation de carburants, la coupe des arbres émettent du dioxyde de carbone (CO2) qui est le gaz à effet de serre le plus important.
Ceci dit, d’autres gaz ont un effet sur le réchauffement climatique plus élevé, à l’instar du méthane qui se dégage des ordures en décomposition, dont le potentiel de réchauffement équivaut à 25 fois celui du CO2, ou du protoxyde d’azote (N2O), 300 fois plus puissant, qui se dégage des procédés chimiques de fabrication des fibres polyamides qu’on retrouve dans les habitacles des voitures et les filtres de cigarettes, ou encore des hydrofluorocarbures (HFC), 2 800 fois plus puissants, et qui servent à la réfrigération et aux aérosols.
Concrètement, parmi les pistes évoquées par les ministères de l’économie et de l’écologie, figure une augmentation de la taxe sur l’essence, ou un supplément de TVA sur les produits qui participent au rejet de gaz à effet de serre tout au long de leur cycle de vie, c’est-à-dire depuis leur extraction ou leur fabrication jusqu’à leur recyclage.
Qui va payer ?
Les ménages les plus modestes consacrent une part plus importante de leurs revenus à la consommation, et notamment à l’achat, d’énergie. Toutes les taxes sur la consommation, comme la TVA, les frappent donc davantage si l’on rapporte le niveau de la taxe aux revenus. En effet, les ménages les plus aisés, qui épargnent plus d’un tiers de leur revenu, ne seront taxés que sur les deux tiers restants. Les ménages les plus pauvres consomment, quant à eux, tout leur revenu, qui est ainsi intégralement taxé.
En outre, une taxe supplémentaire sur le carburant est elle aussi inéquitable. Les ménages modestes consacrent à la consommation d’énergie une part de leur budget 2,5 fois plus importante que les ménages les plus aisés. Rappelons qu’en France, le taux d’imposition du carburant est déjà un des plus élevés d’Europe.
Les personnes qui vivent dans des milieux ruraux sans transports en commun ni de réseau de distribution du gaz de ville (moins polluant que le fioul) subiront aussi de plein fouet une hausse de ces taxes car ils ne seront pas en mesure de réduire leur consommation d’essence ou d’énergie.
Paradoxalement, le ministère des Finances vient de décider, le 11 juin 2009, d’exonérer de TVA les permis d’émission de carbone que s’échangent les industriels soumis à des quotas annuels.
Ceux-ci diminuent tous les ans pour atteindre les objectifs du protocole de Kyoto, c’est-à-dire la réduction de 5% des émissions de gaz à effet de serre entre 2008 et 2012.
Quelles alternatives?
Personne ne discute la nécessité de préserver la planète dans le temps. C’est d’ailleurs une question d’égalité entre les générations. Consommer toute la planète de façon égalitaire à un moment donné et ne rien laisser aux suivants n’aurait pas grand sens.
La question est donc de savoir si l’on peut concilier la préservation de l’environnement et la réduction des inégalités de niveaux de vie.
D’autres solutions existent. Plutôt que de taxer davantage l’essence, on pourrait supprimer les niches fiscales. Sans compter que les transporteurs routiers bénéficient d’une ristourne sur le diesel et que le diesel qu’on appelle fioul domestique est très faiblement taxé (5,66 € /hl). Enfin, comble de l’ironie pour un secteur éminemment polluant, le kérosène des avions est exonéré...
Plus généralement, les entreprises doivent, elles aussi, être mises à contribution. Les politiques fiscales des dernières années ont pour l’essentiel contribué à alléger la charge des entreprises au détriment des ménages.
Par exemple, la CSG payée par les salariés a servi à financer les allègements de cotisations sociales des employeurs. Le dernier exemple annoncé pour 2010 est la suppression de la taxe professionnelle jusqu’à présent payée par les entreprises aux collectivités locales.
De nombreuses options différentes seraient disponibles. On peut citer la taxation des bâtiments professionnels peu économes en énergie dans le cadre d’une nouvelle taxe professionnelle, la transformation de la vignette automobile des professionnels en contribution carbone indexée sur les émissions des véhicules, la pénalisation des entreprises qui n’ont pas de plan de déplacement d’entreprise ou qui ne prennent pas en charge une partie des abonnements aux transports en commun de leurs salariés (le chèque transport est facultatif en province).
En conclusion
le système français fiscal a perdu de ses effets redistributifs sans qu’il soit nécessaire d’y ajouter une taxe sur le carbone même dégressive du revenu. Plusieurs alternatives concilient la nécessité de cette contribution et le principe d’égalité devant l’impôt.
L’idée d’abattement forfaitaire par foyer la rendrait plus juste. Bref, la « taxe carbone » ressemble bien à un impôt sur la consommation des ménages, destiné à compenser la baisse de la taxe professionnelle des entreprises, dissimulé sous une appellation écologique.
Est-il juste de taxer la consommation ?