C’est depuis 1976 que Brigitte Bardot a entrepris une campagne internationale pour dénoncer ce qu’elle appelait « le massacre des bébés phoques canadiens ». Le 29 juillet 2009, il y a à peine quelques jours, le Conseil des ministres européens a finalement décidé d’interdire toute vente de produits dérivés de la chasse aux phoques. Et cela malgré les démarches intensives du Premier Ministre canadien Stephen Harper qui, à nouveau, voit ses arguments refusés par les autres chefs de gouvernements. On peut dire qu’il ne pèse pas lourd notre PM.
Sur quelle preuve les ministres ont-ils approuvé cette interdiction ? Scientifique ? Non. Statistique ? Non. Ce n’est que l’aspect politique qui a primé et il était motivé par le sentiment chez plusieurs Européens que la chasse aux phoques est un massacre, même si une telle définition est fortement discutable. Qu’il y ait une prolifération excessive de ces animaux, n’est pas important. Qu’ils soient la cause de la diminution des bancs de morue au point que la pêche à la morue a été suspendue pendant des années, n’est pas important ! Que des centaines de milliers de personnes vivent de cette chasse, n’est pas important ! Ce qui influence l’opinion européenne, c’est la beauté de ces petites bêtes et leur petit air mignon, adorable et sympathique. Et s’ils avaient la forme, la couleur et la tête d’un animal laid comme le phacochère, ce sentiment existerait-il ?
Le Canada, comme la Norvège et la Russie, va souffrir de cette décision européenne. Ce n’est pas la première fois qu’une telle ordonnance nous affecte. On se rappellera le grand débat sur l’amiante. Ce produit résistant à l’action du feu était extrait en grande partie de mines au Québec où les citoyens de villes entières vivaient de cette production. L’interdiction de l’importation de ce produit par l’Europe, les USA et les autres pays du monde a fait un grand mal à l’économie canadienne. Sur ce sujet, j’étais en accord avec ce boycott de l’amiante parce qu’il a été prouvé qu’il était nocif pour la santé. Et même si l’ex PM québécois Jacques Parizeau faisait des pieds et des mains pour défendre la cause des producteurs d’amiante, je m’opposais à sa démarche car les faits scientifiques avaient démontré clairement que l’amiante ne devait plus être utilisé dans la construction de bâtiments, la fabrication de produits et être en contact avec l’être humain.
L’Organisation Mondiale de la Santé se base sur la science avant d’autoriser un embargo. Pour éviter le protectionnisme, l’OMC a déterminé que la preuve scientifique est la qualité qui offre l’objectivité nécessaire à ses décisions. Ainsi, cet organisme a forcé plusieurs pays européens à changer leurs décisions sur l’importation des organismes vivants génétiquement modifiés (OGM) par l'homme car elles étaient sans fondement scientifique.
Le ministre canadien du commerce international a justement dénoncé le manque de données scientifiques dans la décision des ministres européens. Mais pour les Européens, cet argument ne tient pas car les tueries de phoques en masse sont, pour eux, un problème d’ordre moral.
Pourra-t-on dorénavant tenir compte de ce qui se passe dans les pays exportateurs pour déclarer un embargo sur un produit et oublier l’aspect scientifique ? Par exemple, pourrions-nous interdire : les poulets de producteurs élevés dans des poulaillers où ils sont tassés par milliers comme des sardines et qui sont abattus de façon qualifiée de cruelle par plusieurs individus ? les produits métalliques fabriqués de minéraux extraits du sol par des individus travaillant dans des conditions inhumaines comme on le voit si souvent à la télé ? les diamants extraits dans des conditions similaires ? les vêtements produits par de très jeunes enfants qui travaillent pour une maigre pitance à des rythmes insoutenables qui mettent en danger leur vie ? l’abattage, que plusieurs personnes jugent cruel, de chevaux, de bovins, d’agneaux et de tous les autres animaux comestibles ? Et tant qu’à y être, pourquoi pas tous les produits alimentaires qui ne sont pas bios car les engrais chimiques sont jugés dangereux par plusieurs ? … En somme, il n’y a pas de fin à ce que l’on pourrait interdire sans considération scientifique.
L’OMC maintiendra-t-elle ses positions et déclarera-t-elle que l’interdiction de toute vente de produits dérivés de la chasse aux bébés phoques va à l’encontre de ses principes et forcera-t-elle le Conseil des ministres européens à reconsidérer sa décision, où s’adaptera-t-elle à recevoir des arguments non scientifiques ? Un beau débat en perspective.
Claude Dupras