L’écriture d’un roman est un bonheur sont on ne sort jamais innocent. C’est un ton, un registre de dialogues, un maniement des incidentes qui envahissent l’auteur pendant des mois.
Pas seulement l’écriture, mais la correction, plus envahissante encore.
J’en sors.
J’en sors et je m’y replonge, mais ce n’est pas la même eau. Le roman que je tente de reprendre n’est pas un polar, il a une vocation un peu plus littéraire (même si le polar achevé est très
littéraire). Mais, bizarrement, un de mes nouveaux personnages a tendance à s’exprimer avec le ton onctueux d’un des suspects de mon polar, un autre ne peut observer le monde sans se laisser
parasiter par le regard focalisé de ma commissaire : l’ancien roman tente de se réincarner dans le nouveau.
Ce sont les billets sur Lauzerte (septembre) et sur Ozoir-la-Ferrière (novembre), ces deux grands festivals de la nouvelle, qui m’ont soufflé le remède : écrire quelques nouvelles pour retrouver
une certaine liberté d’écriture.
Il ne restait plus qu’à trouver le sujet : je suis allé au plus facile, j’ai tenté de parler de ce que j’aimais. J’ai voulu écrire une nouvelle sur le vélo : une randonnée de deux ou trois heures,
et hop, les idées arrivent, non ? J’ai randonné trois heures, et je n’ai vu arriver que les crampes. J’ai recommencé deux jours plus tard, les crampes ont aussi recommencé. Mais les idées,
nenni ! Je pourrais écrire une nouvelle sur les crampes, me direz-vous. Hélas, c’est déjà fait : « L’acide lactique » dans La Diablada a définitivement traité le
sujet.
Restait l’autre solution : parler d’un sujet que je connais mal. Je commence une nouvelle sur les échecs. Je suis un pitoyable joueur d’échecs. Mais le jeu royal a un avantage : on peut le
pratiquer sans attraper de crampes. Je me suis donc lancé dans cette nouvelle, dont l’écriture m’a obligé à lire plus d’une centaine de parties de grands joueurs. Et plus je les lis, plus je tente
de les comprendre, et moins, tout bien réfléchi, le vélo me paraît fatigant.
Mais la nouvelle avance plus vite que moi à vélo. Elle s’appellera « Cravates et chemises ». Ce titre m’a paru plus racoleur que « La défense hollandaise ».
Voilà, c’était une chronique sur les arrière-cuisines de l’écriture.