J’ai tout simplement adoré les premières pages, je me suis spontanément liée avec Alexandre Bourbaki, le personnage du roman, écrivain qui déguerpit de Montréal pour une raison de surface : il découvre que son auto est largement égratignée. Sa vie aussi, probablement. Il part à l’aventure, ne sachant pas où il va déposer sa valise. J'ai aimé ce vrai de vrai regard d’écrivain qui remarque chaque détail. Il choisit de s’arrêter, lui et son chien, à Mailloux. On va vite savoir pourquoi, un village que l’on croirait directement sorti de l’imaginaire de l’écrivain, un village rêvé peut-être, je ne sais pas et accepte de ne jamais le savoir. L’aventure, c’est de ne pas savoir « avant » et parfois aussi « après » !
On soupçonne le narrateur, le personnage Alexandre Bourbaki, d’être un écrivain peu connu, si on compte sur son agréable surprise de rencontrer Petit, un fan de son petit dernier roman Traité de Balistique. Petit, le copain de Béatrice, la buandière chez qui, il s’installe devant son écran :
« Je me connecte à l’interface d’écriture du blogue et pendant une demi-heure, je fixe l’écran. Ce n’est pas l’angoisse de la page blanche, mais plutôt une totale désaffection de mon désir de sociabiliser. Je n’ai plus envie de partager avec des curieux, des inconnus, des senteux (et au travers de cette masse, trois ou quatre amis et une douzaine de connaissances), des réflexions banales sur ma vie quotidienne. Ces versions plus ou moins remaniées de notre monologue intérieur ne sont pas destinées à être partagées, et encore moins multipliées. On voudrait partager nos pensées quotidiennes comme si c’était un exploit, comme si nous étions seuls à analyser tout ce qui nous entoure ».Petit, qui progressivement sombre dans la folie, lui remettra des cahiers de son manuscrit et Bourbaki nous les fera lira un à un. C’est ici que ça se gâte pour moi, déjà entourée d’un village bizarre dirigé par des leaders étranges qui tiennent des commerces de peinture à numéros de Molinari, ou d'autres qui fomentent une réorganisation de la nature, un propriétaire de motel au comportement étrange, une mystérieuse usine de chaises Solar tout me semblait déjà tellement baigner dans l’onirique, les manuscrits m’ont fait perdre complètement pied de la réalité. Malgré mon effort, j’ai été incapable d’entretenir de l’intérêt pour ces manuscrits écrits par une personne sur le bord de la folie. Entre la réalité et le fictif, la folie ou la raison, j’y ai laissé la mienne. Je me doute que cette ambiguïté aigüe était désirée par Alexandre Bourbaki l’auteur du personnage narrateur, Alexandre Bourbaki.
Mais finalement, c’est en m’arrêtant au mot dopplegänger (mot d’origine allemande signifiant sosie employé dans le domaine du paranormal pour désigner le double fantomatique d’une personne vivante, le plus souvent un jumeau maléfique) qu’il m’a semblé m'être un peu approché de l’idée derrière cette histoire.
Mais la sensation d’embrouillement perdure, celle de n’avoir pas vraiment compris, ou même d’avoir été bernée, ce qui me laisse somme toute une sensation plutôt désagréable.
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Grâce à Réjean, je rajoute un lien vers une entrevue qui en dit long sur l'auteur. J'ai recopié le lien en espérant qu'il fonctionne.
Grande Plaine IV - Alexandre Bourbaki, Alto, 269 pages.