Qu’on se retire trois semaines au Cap Nègre avec sa Carlita ou huit jours au Gris-Nez avec Josette ; qu’on y répare un coeur vagal, un vague à l’âme ou du mou dans le genou ; qu’on ait la bourse à Rotschild ou le porte-monnaie de Bébert, une seule règle estivale, passé cinquante ans : REPOS. Disons plutôt « récréation », car tout l’art pré-vieux des congés d’août est de se reconstituer sans se morfondre, viser les cinq vingts que la faculté promet sans se pourrir les décennies qui y conduisent. La Grille du coq vous livre le mode d’emploi pour rendre doux les congés d’août.
Activité sportive
On peut aimer la petite reine sans se la faire en danseuse dans l’Esterel par 45° au zénith, ou dans le Boulonnais par vent coulis sous l’averse : moulinez tranquillement trois tours du parc ancestral à la fraîche ou du terrain de camping entre deux grains.
Préférer la marche à la course. Le jogging est une invention de gendre amer, de premier ministre shakespearien ou de golden boy pressé : tous leurs conseils visent à brouter l’aorte du beaup ou du big boss. D’accord, marcher fait vieux, mais puisque vous l’êtes… A la rigueur, marchez en tenant d’une main Madame Bovary, ou l’Equipe, pour bien montrer au journaliste, ou à Mimile, que vous marchez mais que vous pouvez mieux faire.
Et s’il vous faut décidément taper dans une balle, n’allez pas la risquer au foot, ni même au tennis (Michel Berger y est mort) : swinguez-la finement au golf chic de Sainte-Maxime ou miniature de Saint-Omer.
Activité sexuelleSauter un coït sur deux. Ex-mannequin ou toujours-caissière, votre dame n’est plus une deb affriolée. De l’espacement du devoir conjugal elle se fera sinon un plaisir, du moins une raison. Et méfiez-vous des extras en période prophylactique. En tout cas, sous la tente ou le dais, n’allez pas risquer la hernie discale en explorant le kamasoutra : la prudence à votre âge dicte de n’adopter que les positions de bon sens, éprouvées depuis Lascaut. Il paraît même qu’avec la crise et l’économie d’énergie la Vénus planplan redevient aussi tendance que la maison en bois et la soupe aux poireaux pommes de terre.
CultureIl faut lire, être vu lisant, de préférence anglo-saxon. Flaubert et Maupassant à cinquante-quatre ans, ça fait tard, ça fait même Giscard. A propos de potaches attardés, que faut-il penser d’un homme, vu à la télé, tenant à se faire donner le fouet du Bac à soixante-dix-huit ans ? N’est-ce point l’âge de rendre sa copie au seul Jury qui vaille ?… Donc un roman « tendance », un film « culte », un « compositeur favori », de quoi nourrir en septembre un questionnaire people dans Elle ou VSD. Ou juste un gros polar, pour prouver aux voisins de mobil home qu’on vaut mieux que la pétanque.
Et aussi voir des artistes, chanteurs, acteurs qu’on applaudit du fond sous le chapiteau de Wissant, ou qu’on bisse impromptu au premier rang à Ramatuelle avant de les recevoir à la maison.
Hygiène et alimentationAttention : plus d’une heure quotidienne d’exposition aux ultraviolets, ce n’est pas bon pour les peaux matures. Une récente étude sur l’égalité sociale devant la maladie démontre qu’on développe trois fois plus de mélanomes malins à Saint-Tropez qu’à Berk.
Pas de cigarettes, c’est bien ; mais tout cigare, toute pipe est encore de trop. Désastreux pour le souffle, pour l’haleine, et même pour l’image : le cigare fait patron voyou, la pipe papy ringard. En revanche un chocolat de loin en loin (ou du saucisson sec), c’est bon pour le moral. Et à midi, un ballon de Chirouble ou un canon de Kiravi pour dissoudre le mauvais cholestérol : c’est la french touch, que l’univers nous envie. Se vanter de ne pas boire une goutte d’alcool, pire que froisser toute la filière viticole, c’est faire le jeu d’Al-Qaida.
Une pomme chaque jour chasse le médecin, disait grand-père, à condition de bien viser… On assure à présent que manger cinq fruits et cinq légumes de saison (ni quatre ni six) flingue en vol le cancer et l’artériosclérose. Mais l’été en villégiature, quand on en soupe toute l’année au boulot, on peut s’abstenir des courgettes et des navets : si donc le bruit courait d’une réunion des ministres dans le Var, n’en croyez rien.
Pour les noix et les nèfles, attendez la rentrée du PS. Et celle des syndicats pour les marrons.
Arion