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L'Amérique au panthéon rock, part 40

Publié le 29 juillet 2009 par Bertrand Gillet
Dernier chapitre. Rock is Dead ? Mouais… Je ne sais pas Jim Morrison, tu as eu beau le chanter en cette année 1969 au studio Elektra, je me pose encore l’éternelle et fatidique question… Le rock n’est pas fondamentalement mort, il persiste et signe encore en une tendance revivaliste recyclant avec plus ou moins de joie 60s, 70s, 80s et 90s. C’est ça le rock des années 00.  Mon panthéon personnel quant à lui s’apprête à refermer ses portes. Oh comme je vous l’avais dit en préambule, il y a eu des grands oubliés, des injustices flagrantes, le drame intraitable de la guillotine journalistique, l’odieuse nécessité de la censure geek. Et pourtant, j’ai quelques mentions de dernière minute à décerner. Tout d’abord aux merveilleux Remains pour leur unique album garage rock teigneux paru fin 1966. A l’écoute de leur seule production discographique éponyme, au graphisme à la fois urbain et psyché, on les classe d’abord dans la catégorie « meilleure incarnation possible des Stones » devant le Chocolate Watchband. Mais la formule pourtant classique qu’ils déploient, guitare agressive et clavier électrique, leur confère une classe indéniable sublimement enrobée par le timbre suave et canaille de Barry Tashian, guitariste et compositeur du groupe. Elégance qui éclabousse nos visages ébahis d’amateurs de curiosités geeks à travers les bombes que sont Don’t Look Back et Why Do I Cry, figurant en bonne place pour l’éternité dans la mythique compilation Nuggets. Sans être des génies virtuoses apôtres d’une écriture racée, donc rock, dont immortelle, ils arrivent néanmoins à émerger du bourbier garage qui envahit à l’époque tout le continent américain sous l’impulsion pygmalienne de l’Angleterre. Malgré les années qui se sont accumulées telles de gros nuages lourds sur la Production Musicale Mondiale, le son des Remains possède cette fraicheur intacte, ce groove incroyablement neuf. De l’intro de Heart passant de la douceur apparente à la violence caractérisée, sacralisée par le feu de l’électricité, jusqu’au final à la dramaturgie palpable, tout est bon, puissant, resserré. Il s’agit peut-être ici de la meilleure interprétation du genre, avec bien entendu les démoniaques et minimalistes Seeds dont le leader, Sky Saxon vient de rejoindre les étoiles de la pop. Ces rockeurs d’un temps ont échappé aux symptômes affectant les longues et plantureuses carrières, usure du temps, tarissement de l’inspiration, lassitude chronique du fan. D’autres, malgré d’évidentes qualités techniques, devaient se bâtir une discographie discrète mais statutaire. Je songe ici à Spirit, formation emmenée par Randy California qui doit son surnom à Jimi Hendrix. Après trois ans à égrainer des merveilles entre psyché et jazz, ils pondent un truc fondamental, genre l’album qui fait la jonction entre rock, soul, psyché, jazz et tout (au fond). Twelve Dreams Of Doctor Sardonicus. Leur pièce maîtresse, un absolu de production qui ne cède jamais à la facilité en étant bavard, outrancier. Les morceaux, si différents soient-ils, s’enchaînent avec savoir-faire, dans une limpidité toute californienne qui doit beaucoup aux talents de chacun. Complexité et délicatesse de l’écriture que l’on retrouve en ouverture avec Prelude-Nothin’ To Hide qui débute comme une tendre ballade, élégie à l’esprit californien, pour finir dans le groove d’une formation ayant assimilé ses racines. Chœurs, piano, cuivres sont ici enchantement, ivresse rock’n’roll. A chaque fois, Spirit hésite entre délicatesse (Nature’s Way, Love Has Found A Way) et violence jouissive (Street Worm, When I Touch You), entre psychédélisme rêveur  (Life Has Just Begun , Soldier, Space Child) et soul virile (Animal Zoo, Mr. Skin, Morning Will Come) et fait bien d’hésiter.  Car le résultat est si dense que l’on se demande comment un tel groupe a-t-il fait pour échapper à la reconnaissance publique et au Mythe. Virtuosité jamais vaine, veine et songwriting impeccables, Spirit est ici (comme ailleurs) à la hauteur de son patronyme. Aussi était-il essentiel et juste de les faire figurer au panthéon du rock américain. Il est temps de refermer ce chapitre sans oublier cette vérité : tant qu’il n’y aura pas de coupures de courant générales organisées par de vils syndicats, le rock US continuera d’électriser les foules avec trois accords seulement.

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