La nuit dans le train pour Shanghai fut assez amusante. Je craignais un peu de tomber sur un quatuor de pétomanes pour partager notre compartiment. Dieu merci, il n’y avait qu’un pétomane sur les quatre et les trois autres étaient plutôt sympathiques. Quand ils ont appris que nous étions Français, l’un d’eux nous a demandé ce que nous pensions du Tibet et des indépendantistes du Xinjiang. Sentant qu’il s’agissait d’un test, je répondis sans ambages qu’un bon ouïgour était un ouïgour mort et que je crachais à la gueule des Tibétains et du Dalaï Lama. Cette réponse suscita une large approbation chez nos interlocuteurs… à l’exception du pétomane d’origine ouïghour mais qui était fort heureusement en minorité.
Nous sommes arrivés à Shanghai en fin de matinée. Il fait à peu près aussi chaud qu’à Beijing mais l’air marin apporte un peu plus de fraicheur. Nous respirons un peu mieux. Mon compagnon de voyage est fasciné par les tenues fashion des petites Shanghaiennes. “Ah ! C’est pas comme en Bretagne. Me confie-t-il. Ici, les gens sont bien habillés.” Nous prenons le premier bus pour aller dans la concession française où se trouve notre hôtel. J’espère qu’ils auront bien modifié la réservation comme je leur ai demandé par Internet. À ce propos, je me demande si j’ai bien fait de les traiter “d’enculés incompétents” lors de notre dernier échange. Si jamais ils me font une remarque, je pourrais toujours leur dire que c’est Fabrice qui a écrit le message… Comme il ne parle pas chinois, il ne comprendra pas ce qu’on lui reproche.
Après avoir déposé nos affaires, nous allons visiter le musée du quartier avant d’aller nous promener sur le Bund, le grand boulevard de l’ancienne concession internationale. Les anciennes façades restaurées sont le dernier témoignage du Shanghai des années folles, la ville du jeu, des femmes et de l’argent facile. En face, de l’autre côté de la rivière Huangpu, se dresse le nouveau centre des affaires, le quartier de Pudong. Les tours de verre et d’acier, dressées comme des totems semblent défier le Japon qui s’étend au-delà de la mer de Chine orientale. En effet, « la Chine se dresse à la vue des Nippons !! »
Après notre promenade, nous avons rendez-vous avec plusieurs amis pour visiter la ville et dîner au restaurant. Je dois revoir une amie chinoise qui a vécu en France pendant plusieurs années. Nous devons retrouver Guillaume, le fils d’une camarade de la classe de chinois, expatrié à Shanghaï depuis quelques années. Je n’ose sortir le morceau de bleu de Laqueuille que je promène depuis Clermont-Ferrand. J’ai peur que Fabrice me fasse des commentaires désobligeants sur l’affinage des fromages auvergnats en sac de voyage. Je leur offre finalement deux petites boîtes de calissons d’Aix que j’avais emportées dans mes réserves.
Pour retourner à l’hôtel, nous avons décidé de circuler en Palanquin. Il faut reconnaître que cela donne une certaine classe… Afin de mettre un peu de piment, j’ai proposé aux porteurs de faire la course jusqu’à l’arrivée. Après un suspens terrible, j’ai réussi à avoir Fabrice en faisant un croche-pied à l’un de ses porteurs. Pour récompenser mes deux acolytes, dans l’euphorie de la victoire, je leur ai offert deux tickets de cantine du collège. Ils avaient l’air bien content…