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La taxe carbone sera-t-elle juste et efficace ?

Publié le 31 juillet 2009 par Soseki

Ce sont les deux questions que l’on peut se poser. L’éditorial du Monde consacré à ce sujet avait aussi ajouté la question de la simplicité de la taxe : sur ce plan, avec Michel Rocard à la manœuvre, sans mauvais jeu de mots, on n’échappera sans doute pas à l’usine à gaz – il n’y à qu’à penser à la CSG et sa fameuse part non déductible…

Un mot sur le cadre de ce débat : cette proposition de taxe carbone, pour laquelle la loi Grenelle I de l’environnement prévoit seulement qu’elle soit étudiée, a été introduite dans le débat français par le Pacte écologique de Nicolas Hulot. C’était la proposition n°2 sur laquelle l’agitateur médiatique demandait aux présidentiables de s’engager. Dans son livre programme, la proposition était détaillée en s’appuyant sur les analyses de ses promoteurs scientifiques Alain Grandjean et Jean Marc Jancovici. Schématiquement l’idée de la taxe est d’inciter à une diminution des émissions de gaz à effet de serre dans les domaines du bâtiment et des transports – la troisième principale source d’émissions, les émissions industrielles, est déjà réglementée par l’Union européenne avec les quotas d’émissions. Ces deux postes d’émission sont au cours des dernières années ceux que l’on n’arrive pas à faire baisser – et même ils augmentent, d’où l’utilité présumée de la taxe qui vise à renchérir le prix des combustibles fossiles (charbon, gaz, pétrole et dérivés). Il est prévu que le taux de la taxe augmente progressivement pour la rendre de plus en plus incitative.

La taxe sera-t-elle juste ? En tous cas il faudrait y veiller, c’est un minimum, dans ce contexte de crise. C’est franchement le point qui m’apparaît le plus problématique. Les gens modestes sont souvent ceux qui ont les véhicules les plus consommateurs car les plus anciens, et lorsqu’ils sont propriétaires ils n’ont pas nécessairement les moyens de faire des travaux d’isolation. C’est pour cette raison que N. Hulot a toujours proposé qu’en accompagnement de la taxe il y ait une redistribution forfaitaire vers les plus modestes, et cela me paraît une condition nécessaire.

Un autre facteur d’inégalité devant la taxe sera le lieu d’habitation des gens, et là je ne vois pas bien comment cela pourra être compensé. C’est ainsi, les gens qui habitent en milieu rural dépensent plus de carburant car en campagne sans voiture il est quasiment impossible de se déplacer. Mais ont-t-ils choisi ?

La taxe sera-t-elle efficace ? Sur un plan macro-économique, sur plusieurs années, nécessairement. Mais pas forcément autant qu’on le croit, car les gens taxés n’ont pas toujours la possibilité de faire des choix alternatifs de consommation énergétique. L’habitant de grande banlieue, s’il n’a pas les transports à proximité, est bien obligé de prendre sa voiture pour se rendre au travail ou faire ses courses. Et dans ce cas, outre le caractère inéquitable, la taxe est inefficace car quelque soit son montant ou presque, nous n’observerons pas d’évolution majeure. Tout au mieux, à partir d’un certain niveau de taxe, la personne en question trouvera peut être intérêt à acheter un véhicule moins consommateur.

J’ai retrouvé la réponse que François Bayrou avait faite en 2007 à la proposition de Nicolas Hulot. Je vous la livre ici : « Je suis favorable à une taxe sur l’énergie fossile afin de pousser chacun à développer des stratégies personnelles d’économie d’énergie et de ressources alternatives. Cette mesure doit être envisagée dans une optique de long terme, avec progressivité, annoncée à l’avance et promue dans un cadre européen pour éviter tout effet de dumping fiscal».  Je trouve que François Bayrou nous avait livré là une bonne clé pour que la taxe soit plus juste et plus efficace : il ne faut pas l’appliquer dès 2010, mais l’annoncer par exemple pour 2012 avec un taux significatif d’entrée. Ainsi tous les acteurs auront le temps de s’y préparer et les gens qui ont des décisions structurelles à prendre dans la période comme l’achat d’un véhicule ou le choix d’un logement (plus ou moins loin des transports) peuvent intégrer ce facteur au lieu d’en être directement prisonnier. Les gens auraient moins l’impression d’être piégés car ils auraient été prévenus. En outre, on peut espérer ainsi que la taxe interviendrait à un moment où la crise sera estompée.


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