L'excellent livret du coffret le précise : Atenaide est "Dramma per musica". En effet. Cet opéra de Vivaldi, ressurgit grâce au travail très inspiré du label naïve dans sa collection Edition Vivaldi - Opéras (cet Atenaide représentant le 9ème volume de la collection).
Dans ce long opéra, on retrouve tous les ingrédients du style vivaldien et, bien entendu, des arias d'une virtuosité sidérante.
Il n'est donc pas étonnant de disposer avec ce coffret récemment sorti d'une distribution à couper le souffle : Sandrine Piau (dans le rôle titre), Vivica Genaux, Guillemette Laurens, Romina Basso, Nathalie Stutzmann, Paul Agnew et le jeune Stefano Ferrari. (Lien direct vers une page bio de chaque interprète du coffret tirée du site du label naïve)
Chacun et chacune de ces interprète s'engage totalement dans ce tourbillon musical et dans les cadences infernales imprimées du début à la fin par le prêtre roux.
Je passerai sur l'intrigue (je vous laisse le soin de lire le livret très complet du coffret). Petite anecdote qui a son importance : cet opéra avait été créé à Florence au teatro della Pergola et que coffret du label naïve fait office de premier enregistrement mondial, justement réalisé à Florence, sur le lieu même de sa création.
Je trouve que la réussite de cette entreprise se trouve tout d'abord dans la qualité de l'ensemble orchestral Modo Antiquo, sous la direction de Federico Maria Sardelli, excellent de bout en bout. Il restitue l'équilibre parfait entre nervosité, tension et soutien des voix. Il constitue tout au long de ces innombrables récitatifs et arias (plus de trente cinq arias), un support parfait des voix, et ce avec une constance impeccable.
Du point de vue vocal, je trouve que trois interprètes se détachent nettement du lot, alors que la distribution globale est déjà d'un très haut niveau. Tout d'abord en premier point Vivica Genaux qui démontre qu'elle est actuellement au sommet de son art. Elle allie tout ce que l'on attend d'une interprète dans ce répertoire : virtuosité associée à une aisance impressionnante, expressivité, mordant. Elle est incisive, impétueuse tout en conservant une maîtrise exceptionnelle du phrasé et de l'articulation. Du très grand art. J'ai surtout été marqué par son interprétation de la superbe aria "M'accende amor l'ire guerriere in petto" de l'Acte III (scène 14 - CD3 track 24). Sinon elle excelle autant sur les récitatifs que sur les autres arias. Il est surprenant que la notice du Coffret classe cette chanteuse dans le registre soprano alors que c'est une vraie mezzo...Ensuite, Romina Basso (mezzo limite contralto) a également retenu mon attention. Elle est d'une grande justesse avec une virtuosité également exceptionnelle et non forcée (ex : Acte III / scène 3 l'aria "Porto, che so qual sia" ou Acte II / scène 2 "Nel profondo cieco mondo". Phrasé parfait (plus facile car elle chante dans sa langue maternelle).
Enfin, Sandrine Piau, plus pour la sublime couleur de sa voix colorature, sensuelle et cristalline sur les aigus. Elle nous offre des airs interprétés avec une musicalité impressionnante. Un tout petit peu plus mal à l'aise (imperceptible) sur les passages difficiles (le mot est faible avec Vivaldi), elle gomme largement ces toutes petites limites avec un timbre d'une fraîcheur fascinante.
La très grande Guillemette Laurens, Nathalie Stutzmann et Paul Agnew apportent tous trois une intelligence du texte qui n'est plus à démontrer et surtout épaisseur et vie aux personnages incarnés. Je suis malheureusement un tout petit peu gêné parfois par l'excès de vibrato de Paul Agnew qui s'avère moins constant que sur d'autres productions. Son phrasé et sa couleur si caractéristiques restent tout de même un vrai régal muscial. Pour revenir à Nathalie Stutzmann, je vous suggère l'écoute d'une des arias les plus étranges et atypiques de Vivaldi : l'hypnotique "Cor mio che progion sei" (Acte III / scène 8 - track 13).
Il reste Stefano Ferrari, ténor léger typiquement italien, que j'ai écouté à plusieurs reprises au Festival de Beaune (cf. note du 31 août 2006). Très bon dans les récitatifs, il présente encore des limites très nettes dans les airs virtuoses avec une certaine difficulté à tenir la voix (décrochages fréquents).
Ce coffret est une éblouissante démonstration de joutes vocales entre interprètes de haut niveau, avec beaucoup de verve et de tonicité. Les traits ne sont pas pour autant forcés. Tout cela reste très fin et l'interprétation des différents artistes impliqués dans cette belle aventure sert admirablement la musique étourdissante et solaire de Vivaldi. La musique composée y est inventive et pleine de panache.
Cet opéra, qui se veut pourtant dramatique, est idéal si vous manquez de vitamines pour affronter ces premiers jours d'Automne.
Lien direct vers le site du label naïve pour plus de détails et écouter des extraits.
Atenaide - Opéra dramatique en 3 actes d'Antonio Vivaldi - Ensemble orchestral Modo Antiquo - Direction musicale : Federico Maria Sardelli - chanteurs : Sandrine Piau (dans le rôle titre), Vivica Genaux, Guillemette Laurens, Romina Basso, Nathalie Stutzmann, Paul Agnew, Stefano Ferrari - label naïve.