Dupleix déploie sa politique
Dupleix, chef du comptoir français de Chandernagor au Bengale durant douze ans, puis gouverneur des établissements français en Inde à partir de 1742, « aussi instruit de la politique moghole que s'il eut été un seigneur Mahométan élevé à la Cour de Delhi », assure l'un de ses subordonnés, profita d'une
occasion favorable, le décès de l'empereur survenu en 1748, pour essayer d'ouvrir de nouvelles perspectives commerciales. La mort du Moghol, comme celle de ses prédécesseurs, laissait prévoir,
dans toute l'Inde des troubles favorables aux grands féodaux plus agressifs ou plus intrigants que les autres. Dupleix eut l'idée d'utiliser une partie de la garnison de Pondichéry, forte
d'environ trois mille Français et quatre mille Cipayes, organisés et entraînés à l'européenne, pour aider les candidats au contrôle du Carnatic – l'État du Karnataka – qui couvre la majeure
partie de la côte Coromandel et du Dekkan, ou sud de la presqu'île de l'Inde. Grâce à cet appui les alliés de Dupleix emportèrent la victoire et, en remerciement, concédèrent aux Français la
perception des impôts dans de vastes territoires. En effet, Dupleix voulait d'abord établir une administration fiscale, « juste, solide et uniforme », bien accueillie par la population locale
auquel ce nouveau système paraissait bien préférable aux tyrannies militaires antérieures.
Pour Dupleix, il s'agissait d'obtenir un « revenu constant et abondant » capable de compenser le déficit d'une balance commerciale déséquilibrée au détriment des Européens, qui se voyaient donc obligés d'apporter dans le pays des cargaisons importantes de métaux précieux, argent et or.
Pour sauvegarder l'influence française auprès des grands seigneurs moghols, Dupleix utilise les services soit des missionnaires, généralement des Jésuites qui ont appris et parlent bien les langues locales, soit des officiers. Le plus remarquable de ces derniers est Charles de Bussy qui arriva en Inde en 1746 et dont le « premier soin fut d'apprendre la langue, d'étudier les moeurs, et de s'instruire des intérêts politiques du pays ». Il se fait céder par un prince indien qu’il avait placé sur le trône du Deccan tout le territoire situé entre Krichua et le cap Comorin. Fort de ses succès, il engage une série d’expéditions aventureuses, incomprises de la Compagnie dont il est l’agent.
Paris ne comprend plus Dupleix
Cependant cette politique est critiquée à Paris où l'on trouve que Dupleix fait de trop fortes dépenses militaires sans obtenir aucun profit commercial immédiat. En 1751 les directeurs de la Compagnie lui écrivent : « Nous avons vu avec plaisir les avantages que vous avez eus, nous n'avons qu'à applaudir à la sagesse de vos dispositions, ainsi qu'à la valeur des troupes et des officiers qui les ont conduites. Mais nous ne pouvons regarder ces avantages comme parfaitement réels qu'autant qu'ils auront conduit à une paix solide, seule capable d'opérer le bien des affaires du commerce, dont le ministre [des finances] et la Compagnie désirent que vous vous occupiez essentiellement. ». Voilà qui est clairement dit et sonne comme un avertissement.
Ayant appris que le gouverneur continuait la politique de contrôle fiscal de territoires de plus en plus étendus, les directeurs et les actionnaires demandent et obtiennent en 1753 le rappel de Dupleix et la réduction des effectifs de la garnison de Pondichéry.
Les agissements de Dupleix avaient aussi inquiété les Britanniques, établis à Madras, donc voisins des Français, qui redoutaient la poursuite d'un plan visant à isoler leurs comptoirs.