Il s’agit de poubelles high-tech au look ravageur en forme – stylisée – de squale, faites d’acier inox et susceptibles d’accueillir, outre la poubelle classique, un distributeur de sachets pour les crottes des toutous, un support publicitaire, un tiroir anti-ours (!) ou, plus classique, un cendrier.
Un cendrier qui est à l’origine de cet articulet.
Il y a quelques semaines, me baladant une clope – pas bien !!! – à la main et ne désirant pas fumer le filtre, j’avisais une de ces fameuses poubelles pour y déposer, dans un souci de propretude citoyenne, mon immonde mégot. Comme de coutume, je l’écrasai tant bien que mal, mais plutôt mal, sur le rebord prévu à cet effet et le regardai disparaître dans la gueule béante du squale. Et là, surprise : la partie inférieure de la mâchoire du prédateur d’ordures était purement et simplement absente !
Du coup, mon mégot mal éteint s’engouffra directement dans l’estomac du bestiau et alla se mélanger avec les déchets engloutis auparavant.
Devant la trajectoire imprévue empruntée par mon bout de cigarette, je me voyais déjà confronté à un feu de poubelle bien malvenu. Diantre, un conseiller communal qui fiche le feu aux poubelles, ça la fout mal !
Comme ces poubelles possèdent une ouverture suffisamment étroite pour que l’on ne puisse pas y déposer des objets trop volumineux, il m’était impossible de mettre ma main et mon bras dans la gueule des dents de la mer tout en regardant ce que j’y farfouillais. De toute manière, je me méfiais des mauvaises rencontres que je pouvais faire dans l’estomac d’une telle bestiole.
Je décidais donc d’éteindre le feu qui couvait dans les entrailles de la bête en lui faisant ingurgiter le contenu d’une bouteille d’eau qui fait « pschitt ! » que je trimbalais avec moi. Le breuvage sembla faire effet et le monstre urbain ne se métamorphosa pas en dragon cracheur de flammes.
Ouf ! J’avais eu chaud.
Mais quand même, cette absence de cendrier me laissait songeur.
Mon trouble alla grandissant lorsque, les jours passant, je rencontrai une, puis deux, puis plusieurs autres poubelles amputées de leur maxillaire inférieure. À la quatrième ou cinquième handicapée, j’avisai un employé de la voirie qui m’expliqua qu’il y a un « problème », que « parfois les cendriers tombent tout seul dans la poubelle », qui me remercia de lui avoir signalé le fait et qui m’assura qu’il en parlerait à ses supérieurs.
Histoire de donner un petit coup d’accélérateur à la résolution des problèmes d’affaissement du plancher buccal des requins lausannois, je me permets de publier ce petit texte et de l’envoyer au municipal et au chef de service en charge de ces charmantes bestioles.
Nul doute qu’ils trouvent une solution à ce défaut anatomique avant que le contenu d’une poubelle ne parte en fumée. Merci d’avance.
P.-S. – Selon le site internet du fabricant, les poubelles requin sont résistantes au feu et la petite dimension de leur unique fente de réception laisse passer peu d’air. Mais bon, ce n’est pas une raison pour vérifier leurs dires.