Lors d’une pérégrination du côté du Lac Léman, loin de mes bases parisiennes, il me fut fait don d’une des œuvres majeures de l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf, j’ai nommé Léon l’Africain. C’est un livre qui était dans ma liste de livres à lire (LAL) secrète. Aussi, mon pote d’Helvétie fît preuve d’une grande clairvoyance en m’offrant ce présent. Peut-être est-il médium à son insu, qui sait ?
Je me suis lancé récemment dans la lecture de ce passionnant roman qui se déroule entre la fin du 15ème siècle et le début du 16ème siècle. Il serait une autobiographie imaginaire d’un lettré maghrébin Hassan El Wazzan, grand voyageur qui fût enlevé par des pirates siciliens et livré au pape Léon X de Médicis, dont il fût par la suite le protégé sous le nom de Jean-Léon de Médicis, dit Léon l’Africain.
Cet aspect ne constitue que le dernier volet de la transcription des voyages d’Hassan. Né à Grenade, dans une Andalousie où le sultanat vit ses derniers jours. La Reconquista espagnole est en marche. Juifs d’abord, puis musulmans doivent quitter l’Espagne. Hassan est alors un enfant qui vivra les dernières heures de Grenade par le biais de la nostalgie de ses parents, père, mère et oncle ayant émigré vers Fès. Son adolescence à Fès, son premier voyage vers Tombouctou avec son oncle, son bannissement de Fès, ses périples en Afrique noire et en Afrique blanche, les ambassades à Constantinople… jusqu’au rapt devant le conduire en Europe.
J’aime les romans historiques. L’idée de visiter une époque par le biais d’un personnage suffisamment emblématique d’une période est passionnante. Léon l’Africain permet cette visite guidée. Les grandes batailles de l’époque. Les espérances déçues d’un peuple à Grenade, le massacre qui suivit la prise du Caire par les troupes ottomanes de Sélim le Cruel, sultan psychopathe ou encore le pillage de Rome par les troupes impériales incontrôlées de Charles Quint. L’un des qualités de ce roman est de récrée les atmosphères de ces grandes villes Grenade, Fès, Tombouctou, Le Caire, la Mecque, Rome…
Hassan se laisse porter par les événements, la découverte du monde semblant parfois supérieure à son instinct familial. Il est plus un spectateur fasciné, qu’un acteur. Un globe-trotter qui va rencontrer les plus grands de son époque, selon Amin Maalouf.
Les chapitres sont relativement courts, reprenant un événement majeur de chaque année de la vie du géographe grenadin. La primauté de l’aventure est manifeste sur la profondeur du personnage, l’aventure assurant un bon rythme au roman selon les rebondissements récurrents du parcours d’Hassan. Au final, on arrive tout de même à décrypter une personnalité somme tout attachante, sans racines réelles du fait surement de la migration originelle… Critique mais subjugué par l’Occident de la Renaissance.
Je ne peux m’empêcher d’aborder le grand choc de civilisations tant redouté, tant souhaité entre un occident chrétien dont Charles Quint fut la figure emblématique et la puissance ottomane de Soliman le magnifique, le Grand Turc. Avec sourire ou tristesse, on comprend que certaines peurs d’hier ne soient toujours pas expurgées de l’inconscient collectif.
Un très grand roman donc, sur le dialogue des cultures.
Bonne lecture et toute ma reconnaissance à mon ami de Suisse !
Amin Maalouf, Léon l'Africain
Edition JC Lattès, Collection Livre de Poche
1ère parution 1986
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