Gazoduc : GDF Suez négocie son entrée dans North Stream

Publié le 30 juillet 2009 par Theatrum Belli @TheatrumBelli

C'est en décembre 2008, avant le déclenchement de la crise du gaz entre la Russie et l'Ukraine, que le directeur de Gazprom, Alexeï Miller, avait approché le patron de GDF Suez, Gérard Mestrallet. Le Russe s'était rendu à Paris pour délivrer un message et une offre. Le message : une crise risquait d'éclater avec Kiev à cause des désaccords sur le prix du gaz. L'offre : Moscou était prêt à faire une place à GDF Suez dans le projet de gazoduc germano-russe North Stream, passant sous la mer Baltique et évitant l'Ukraine.

De fait, la crise est survenue : douze jours d'interruption de livraisons de gaz à l'Europe, en janvier. L'épisode permettait à la Russie de déployer de nouveaux arguments en faveur de North Stream - la fiabilité de l'Ukraine apparaissant diminuée.

Dans les mois qui suivaient, M. Mestrallet faisait état publiquement de l'intérêt qu'il pourrait porter à North Stream, mais à condition que cela s'accompagne d'assurances sur un accroissement des livraisons de gaz russe à GDF Suez.


Le rapprochement avec Gazprom prenait une signification particulière, dans un contexte où GDF avait été écarté par la Turquie du projet de gazoduc Nabucco, qui doit relier la Caspienne à l'Europe en contournant la Russie. Les tensions politiques entre Paris et Ankara à propos de l'intégration de la Turquie dans l'Europe étaient à l'origine de cette mise à l'écart. Moscou défend North Stream contre Nabucco, qui a été conçu pour réduire la dépendance énergétique de l'Europe envers la Russie.

Les discussions ont-elles donc progressé avec Gazprom ? La rencontre, mardi 28 juillet à Moscou, entre M. Mestrallet et le premier ministre russe, Vladimir Poutine, tend à l'indiquer. La veille, le patron de GDF Suez était reçu par Nicolas Sarkozy. Mais aucune déclaration publique n'a été faite mardi sur une entrée du groupe dans North Stream. M. Poutine a seulement évoqué une coopération avec GDF Suez dans "des projets divers". Il a cité le gaz naturel liquéfié, que les Russes voudraient maîtriser.

Le capital de North Stream est détenu par Gazprom (51%), les allemands E.ON et BASF (20% chacun) et le néerlandais Gazunie (9%). Gazprom proposait, au printemps, que les allemands cèdent chacun 4,5% à GDF Suez, soit 9% au total. "Les Russes ont dit aux Allemands de nous faire de la place", commentait-on côté français. Mardi, l'agence officielle russe Ria Novosti évoquait un autre scénario : la cession aux Français des parts de Gazunie.

En approchant GDF Suez, les Russes recherchent un partenaire européen supplémentaire pour ce projet du gazoduc qui a attiré de vives critiques. La Pologne et les Etats baltes se sont plaints d'avoir été court-circuités, tandis que des pays comme la Suède se sont inquiétés de l'impact écologique.

De son côté, GDF Suez a à l'esprit les synergies possibles avec Total, firme invitée par les Russes en 2007 à participer à l'exploitation du gisement géant de Shtokman, en Sibérie, qui doit alimenter North Stream. Les discussions avec Gazprom signalent en tout cas une volonté française de développer des partenariats énergétiques avec Moscou, un terrain où l'Allemagne est depuis longtemps en pointe.

Source du texte : LE MONDE.FR