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Nicolas Sarkozy fait au moins la course sur ... Facebook communiquant de façon privilégiée sur ce support.
Tout particulièrement depuis la campagne présidentielle de Barack Obama, Facebook appartient aux outils incontournables d'une campagne électorale.
Cette émergence est la traduction de deux tendances de fond :
- l'interactivité,
- le pouvoir renforcé des citoyens.
En ce qui concerne l'interactivité, Facebook est en effet un outil encourageant le dialogue constant entre un candidat et les citoyens. Il permet l'expression permanente 24 heures sur 24 et sur tous les sujets possibles.
Que cette expression retienne durablement l'attention est une autre gageure.
Cette interactivité témoigne au minimum la volonté d'un dialogue partagé et non plus du discours subi.
Au-delà de cette première étape, débute actuellement une autre tendance qui à terme peut être encore plus révolutionnaire : la perte de pouvoir des élus face à la prise de pouvoir des citoyens. Une évolution accélérée intervient passant de la démocratie représentative à la démocratie directe. Dans les dernières décennies, le pouvoir politique a souvent reculé face à d'autres pouvoirs. La crise économique est une illustration de l'abandon de régulations politiques face aux marchés financiers. Les pouvoirs politiques ont cédé leurs leviers aux Banques Centrales dans des conditions quasi-absolues au point que les positions de ces établissements étaient devenues "intouchables". Elles s'imposaient comme une forme d'oracle à l'abri de toute contestation.
Facebook traduit la même tendance : accepter de s'en remettre à une expression organisée d'une partie de l'opinion publique qui fait le débat puis la décision ou du moins la conditionne fortement.
S'agit-il d'un progrès de la démocratie ?
Cette évolution est une réaction ponctuelle face à un sentiment de confiscation de la démocratie. Cette dernière n'est pas parvenue à trouver des formes organisées de participation en dehors des élections.
Internet et Facebook deviendraient la "solution miracle" pour permettre cette "démocratie participative" permanente. Cette appréciation ne correspond pas du tout à la réalité.
La réalité c'est que ces supports n'offrent aucune garantie quant à la représentativité des opinions exprimées. Bien davantage, toutes les études disponibles attestent que la " majorité silencieuse " est peu impliquée par de tels supports qui mobilisent surtout les très favorables et les très défavorables. Mais encore, même si une forme de représentativité pouvait exceptionnellement être reconnue, la démocratie directe d'opinion n'est pas mécaniquement une forme de progrès dans le fonctionnement d'une démocratie. Si tel était le cas, "la démocratie des sondages" se serait installée depuis longtemps.
Cet exercice populaire de la démocratie va produire des excès, des erreurs. Ce constat fera naître puis progresser des limites indispensables. Ces limites sont celles de la reconnaissance de la place du temps et de l'expertise face à la décision par pulsion.
Même au-delà de tels constats, ces outils portent une forme de "collectivisation" de l'opinion qui est inquiétante. La connaissance de l'opinion des autres entraîne un mouvement de conformité et donc une forme d'uniformisation de l'opinion. Facebook ne devient pas tant une plateforme de discussion publique, d'échange d'arguments ou de projets que de mouvement moutonnier.
Le progrès de la démocratie réside dans la mise en place de procédures permettant à chaque individu d'être informé pour exprimer son propre choix en connaissance de cause. Ce n'est pas la formatisation d'opinions dans le cadre de fièvres collectives ou de comportements moutonniers. Ces mouvements de masse éloignent beaucoup d'un fonctionnement démocratique apaisé. Il est temps de mettre en application les conditions d'un leadership moderne qui va reposer sur un nouvel équilibre entre les instances représentatives et la démocratie directe. De décideurs, bon nombre d'élus sont passés au statut de suiveurs. Cette évolution n'est pas exempte de lourds dangers.
Derrière Facebook, chacun perçoit bien que l'enjeu est la définition de la démocratie moderne qui doit trouver un nouvel équilibre pour s'éloigner de l'élitisme qui isole sans tomber dans le populisme qui réduit.
Déjà très bien placé sur les supports traditionnels, Nicolas Sarkozy a manifestement choisi d'investir les "nouveaux supports". Sa communication de ce jour n'est qu'une étape.