Entre souvenirs et rêves, la charmante Deborah nous emmène au Saut du lit Loup pour nous faire découvrir son voyage dans un village en pleine nuit… Boire ou lire, faites les deux pour plus de plaisir !
Dégustation…
Mardi 28 juillet 2009, au Saut du Loup, Bar du Musée des Arts Décoratifs, 107 rue de Rivoli 75001 Paris.
En balade presqu'en août à Paris, je sors du boulot, ciboulot, ciboulette et je n'ai qu'une hâte, celle de faire ma belette. Mais, loin du son des coquillages et du roulé-boulé des vagues sur la plage, je me laisse déambuler en direction des quais.
La vie était fatigante ces temps derniers. Les gens semblaient plus petits, plus difficiles à toucher, à sortir, à rencontrer. L'arrivée de l'été a peine à les remplumer. Ou c'est moi qui suis difficile, toute petite et renfermée… Comme j'ai envie de changer!
J'avance et je marche. Bientôt sans que j'y pense je me mets nez à nez avec le beau, le très grand, que dis-je le gigantesque, le vieux, le noble, le royal : je suis au Louvre. Moi comme nous tous, en cette fin de journée soleil, je rêve de Corse ou de Croatie ou de Sicile...
J'entre au Musée des Arts Décoratifs.
Et là : grandiloquence de l'accueil du hall tout en colonnes de marbre blanc. Je m'avance et me retrouve ailleurs : souffle romanesque de l'immense Roue Blanche dans laquelle, nul doute, un amoureux bientôt m'emmènera déguster une pomme croquante d'amour sucrée, moi le nez rosi de neige et emmitouflée dans une grosse écharpe douce et son bonnet. Nota : c'est à cause du bonnet. C'est pour ça que l'amoureux n'est pas encore venu m'inviter. Il attend qu'il fasse assez froid.
Je passe une porte vitrée. Ça y est, je me sens … En vacances. Dépaysement du chant des oisillons, vue sur l'herbe, le ciel est vaste et les arbres carrés? Carrés? Vous avez dit carrés? Bé oui, qu'est-ce que vous voulez : ça devait être la mode sous Louis XIV les arbres carrés. En tous cas, heureusement que mon amoureux est en retard : je n'aurais pas su quoi faire avec lui sous ces arbres carrés, ça m'intimide et je me sens trop bien rangée.
Et puis la chaleur, le souvenir du sable. Douceur d'être, un murmure d'amour me parcourt. Mmm… Et si c'était là, maintenant? L'air est chaud comme si j'y étais vraiment : ailleurs. Le silence règne sous le léger bruit des tables et des verres que l'on dresse : je suis au Saut du Loup.
Je m'assieds, en terrasse. Une fois n'est pas coutume, je sors pour boire un verre et je reste : dehors. Ici, le vent caresse mes cheveux, je me sens libre et allégée de tous mes tracas ordinaires. Les gens sont beaux. Ils sont charmants. Tout de noir vêtu le responsable de séants me conseille un verre de Côte de nuit Village. De toutes façons, c'est celui que j'aurais choisi, il s'appelle trop joli.
Mais avant, il faut que je visite. Je vais jusqu'à l'étage, contraste du moiré noir des murs, des escaliers et du sol. Toujours le même maître des lieux, toujours en noir, toujours classe (mais il n'a aucun mérite, le noir va mieux à tout l'monde) me sourit et me dévisage, curieux. Haut plafond et petites lumières du soir je me sens rassurée ici. Comme souvent dans les lieux paisibles et riches, j'ai l'impression que c'est moi qui suis sereine et qui ai plein d'argent Hé, mais quand même il est assez séduisant, ce barman, il vient du sud de quelque part (tout l'monde sait que j'aime ça) la petite barbe et l'air sicilien. Non! L'air brigand de ceux qui savent comment vous dérober.
Loup y es-tu? M'entends-tu? Loup que fais-tu? Tu ne vois pas que je t'attends? Enfin! Je goûte à mon vin : très fort à la robe, celui-là il faut pouvoir le suivre… Il m'enivre à l'odeur, je décide de goûter ce moment, j'attends encore un peu avant de le déguster. Excitation, plaisir de l'instant qui précède celui où l'on cède. A chaque première fois c'est pareil : on imagine, on suppute, on envisage. Il sent presque comme une liqueur… je l'adore.
Cette semaine, je me suis concentrée. Sur les hommes bien sûr. Je fais ça avant de me décider à commencer une "relation", enfin un flirt n'est-ce pas: relation c'est effrayant, en général c'est un mot qui n'existe plus. Donc avant le flirt, je sors dîner ou boire un verre. On parle, on se détend et à un moment : hop! Exercice pratique! Pff! Très drôle : non évidemment je n'parlais pas de ça! Exercice pratique de concentration figurez-vous! Vous n'pensez qu'à la galipette vraiment...
Bref donc, cette semaine, je suis allée au cinéma avec Jean. Je m'amuse, je rigole et je le regarde bien. Est-ce que je passe un bon moment avec lui parce que c'est Jean (prénom désuet charmant) ou parce que Jean est un homme? (Oui, enfin, presqu'un homme, un mec en tous cas). Je veux dire : est-ce que je passe le même bon moment quand je suis avec Bertrand (prénom dérangeant, je ne sais pas pourquoi, je le trouve trop grand) ou par exemple avec Doudou?
Et bam : grosses larmes intérieures… Je me souviens comment c'était avec Doudou. C'était bien avec Doudou! Qu'est-ce qu'il était beau! Et comme il était gentil! Et il me faisait les courses Doudou...
Stop : je suis au cinéma avec Jean. Donc, est-ce que je suis bien parce que c'est Jean? Où est-ce que ce serait aussi bien si j'étais avec Bertrand ou avec Doudou? Re-sanglots… Mais pourquoi il m'a quittée Doudou?!! Stopeu!! Je me concentreu!!
En bouche, si l'on attend un tout petit peu, ce vin a le goût d'une friandise épicée. Oh je sais! Il en est de quelque chose d'une amande tendre et brûlante, fondante quand on la croque. Miam.
Est-ce qu'on s'y fait? Est-ce qu'on s'en lasse? Est-ce que ça passe? L'amour dit-on, évolue, se transforme, mue. La passion s'atténue. Et le goût? Des belles choses, des choses nouvelles et fortes, des découvertes excitantes? Oui oh, je sais: vous vous dites elle est si fragile, elle pleure quand elle pense à Doudou qui lui faisait ses courses (et bien d'autres choses certainement)… Mais bon, en même temps, Doudou ça n'a duré que trois semaines.
Oui! Oui et alors?! C'est vrai! Je suis un coeur d'artichaut! Mais un coeur qui ne se lasse pas d'attendre son panier de crudités, son assiette mixte du terroir, ses linguinis aux gambas ou son plat de langouste, bref celui qui accompagnera toujours bien mon goût pour les nouveaux verres de vin.
Deborah vous donne rendez-vous à la rentrée pour de nouvelles aventures de Wine In The City : Le Vin, la Ville et Moi.