Avec 14% de séropositivité au VIH – le virus du SIDA – dans sa population générale, le Malawi n’est pas le pays le plus gravement frappé par la pandémie en Afrique. Mais il est une bonne illustration des inégalités qui, en la matière, affectent la population. Inégalité hommes-femmes essentiellement : selon le Conseil national malawite du SIDA, 58% des séropositifs en 2005 étaient de sexe féminin !
Comme l’explique la représentante de l’UNICEF au Malawi Aida Girma, la situation est encore plus préoccupante chez les jeunes. « Parmi les 15-24 ans, l’incidence de la contamination à VIH est en effet 4 fois plus élevée chez les femmes (9%) que chez les garçons (2%). » De sorte que si ces derniers ont un taux de séropositivité largement inférieur à la moyenne nationale - il ne dépasse pas 4% - ce n’est pas le cas des filles.
Il y a plus préoccupant encore. Comme le souligne la responsable de l’UNICEF, « plus de 20% des femmes enceintes dans la tranche d’âge des 15-24 ans, étaient contaminées par le VIH en 2004", selon l’ONUSIDA. Ainsi donc le bilan de l’épidémie de VIH dans ce petit pays d’Afrique australe est-il contrasté. Certes, après une montée en puissance entre 1995 et 1999 où l’incidence du VIH dépassait 20%, l’épidémie enregistre depuis lors un fléchissement relatif. Mais seulement un tiers des 170 000 patients dont l’état justifierait la mise en œuvre d’un traitement antirétroviral en bénéficie réellement.
Aujourd’hui le pays compte 1 000 000 de séropositifs ou de malades du SIDA, dont près de la moitié vit dans les villes alors que le pays est essentiellement rural. Les femmes représentent donc près de 60% de cette cohorte et les enfants, 8%. Et plus de 100 000 femmes séropositives donnent chaque année, naissance à un enfant qui risque d’être contaminé au moment de l’accouchement. Il y a encore quelques années, l’OMS estimait que 800 000 enfants étaient ainsi contaminés à la naissance par leur mère séropositive !
Appuyée sur le don par son fabricant de l’antirétroviral Viramune, la mise en place dans 50 pays de programmes de prévention de la transmission du SIDA de la mère à l’enfant a remporté un réel succès. A tel point que l’UNICEF, l’IPPF et les laboratoires Boehringer-Ingehlheim viennent de fêter le traitement de la millionnième mère, précisément à Lilongwe (Malawi). En 6 ans, cette stratégie a sauvé des centaines de milliers d’enfants. Mais du fait de l’accès insuffisant au traitement pour les malades – et donc pour les futures mères – elle a eu un effet indésirable inattendu et dramatique : sur le million d’orphelins pour toutes causes confondues que compte le Malawi, plus de 500 000 sont ce qu’il est convenu d’appeler « des orphelins du SIDA ». Et ils étaient 14 millions dans le monde en 2004, d’après les chiffres rendus publics cette année-là par l’OMS à l’occasion de la Journée mondiale du SIDA.
Au Malawi, 13 millions d’habitants dont… 1 million d’orphelins
Les progrès sont certes réels. « En 4 ans de 2002 à 2006, le nombre de sites de dépistage et de conseil en prévention est passé au Malawi de 70 à 350, et celui des patients encore en vie et traités par antirétroviraux a bondi de 4 000 à plus de 66 000 » fait valoir Aida Girma. Il est encourageant également, de constater que l’observance des traitements dans les pays en développement est généralement identique à celle observée dans les pays riches… quand elle ne lui est pas supérieure !
Aujourd’hui pourtant, et pour une population globale inférieure à 13 millions d’habitants, le Malawi ne compte pas moins d’un million d’orphelins et un million de personnes vivant avec le VIH. Voilà qui plombe littéralement, toutes chances de développement ! Dans un pays dont les agences internationales évaluent le budget de la santé à moins de 43 euros par an et par habitant, cette situation provoque des situations dramatiques. Même s’il se développe, l’accès aux médicaments de base du VIH est encore très insuffisant. La couverture des Malawites par le Cotrimoxazole par exemple est qualifiée de « très insuffisante » par Aida Girma. Pourtant, l’OMS et l’ONUSIDA ont salué dès le mois d’avril 2000 le consensus international qui proposait son utilisation préventive contre certaines affections opportunistes chez les personnes infectées par le VIH !
Que faire alors ? Intensifier les programmes de co-développement menés par les agences internationales – UNICEF, Commission européenne – mais aussi coordonner les efforts individuels des industriels, comme le soulignait le Dr Michael Rabbow, responsable des politiques VIH des laboratoires Boehringer Ingelheim. De nombreuses entreprises s’investissent – souvent de très longue date – dans des programmes humanitaires à destination des pays en développement. Mais elles le font en ordre dispersé, et la mise en place de plans concertés visant tout à la fois le traitement des malades et la prévention de la transmission mère-enfant par exemple, fait aujourd’hui cruellement défaut. Voilà pour les lobbies internationaux, une recommandation autrement productive que le malencontreux procès intenté en 2001 à Prétoria, contre une initiative Sud-africaine de production de génériques anti-SIDA…