Pour un peu, on se croirait revenu à l'été 1914 ! En une phrase assassine dont il a le secret, Franz Beckenbauer, fidèle à son doux surnom de "Kaiser", a
failli faire voler en éclats soixante ans d'une amitié franco-allemande, jamais bien solide sur les terrains de football, avouons-le… Les foudres de l'ancien cachetonneur du Cosmos de New York,
teigneux comme un Feldwebel privé d'Oktoberfest, sont cette fois tombées sur Franck Ribéry. Je cite le président du conseil de surveillance du Bayern de Munich, faisant donner
la grosse Bertha : "Ribéry est venu en Bavière uniquement pour se faire un nom, pour être connu sur la scène mondiale. Il est français et le Bayern il s'en fout".
Passons sur la première partie de la saillie, caractéristique des jugements à l'emporte-pièce du sympathique berger allemand. Qu'il
lui vienne la bave aux lèvres pour avoir senti notre Francky national prêt à céder à l'appel des sirènes madrilènes peut encore se comprendre. Mais pour la seconde partie de sa diatribe, pardon !
Il faudrait que le Kaiser révise un peu l'histoire récente du FC Hollywood, car des Français attachés au maillot du Bayern, il y en a eu, dont certains à l'apogée de leur carrière avaient au
moins un joueur teuton dans chaque cuisse. Willy Sagnol, Munichois de 2000 à 2008, cinq titres de champion d'Allemagne, une Ligue des Champions. Bixente Lizarazu, Bavarois de 1997 à 2006 - moins
un intermède d'une saison à l'OM…-, 6 titres de champion d'Allemagne, une Ligue des Champions. Ça vous rappelle quelque chose, Herr Beckenbauer ? Pour des mercenaires, ils sont restés
plutôt longtemps sur les bords de l'Isar et ont eu la décence, contrairement à vous pendant deux saisons à Hambourg, de ne pas vendre leurs charmes vieillissants à un autre club allemand…
Pour trouver trace d'une pareille sortie anti-française chez un footeux d'Outre-Rhin, il faut au moins remonter à la folle soirée de
Séville et la triste charge façon Blitzkrieg d'Harald Schumacher sur Patrick Battiston, en demi-finale de la coupe du monde 1982. Encore "Harald le destructeur" avait-il, lui, l'excuse
d'être pris dans le feu de l'action… Sans entrer dans la psychanalyse de Kommandantur, les origines de la rancœur de ce vieux doryphore de Franz sont sans doute à chercher ailleurs que
dans les envies de Real de l'ami Bilal. Dans son échec pour accéder au fauteuil de président de l'UEFA par exemple. Beckenbauer n'a en effet jamais avalé d'avoir dû s'incliner, et pas qu'un peu,
face à Michel Platini. Le brave Platoche n'étant italien que d'orgine, c'est sur la France et ses joueurs que l'ancien libéro de la Mannshaft déverse donc désormais sa bile. Le Bayern ne
saurait être tenu responsable de ses sorties excessives, dont Ribéry et l'Hexagone ne sont d'ailleurs pas les seuls à faire les frais. Mais le Kaiser a encore perdu une occasion de la boucler,
démontrant au passage que pour certains la classe ne dépasse jamais les limites du terrain…