Enveloppés dans un voile de brume, nous survolons Beijing les yeux remplis d’émotion. Le nuage de pollution qui domine la ville nous plonge dans un univers onirique. Les teintes orange et grise mes rappelle les tableaux de Coruscant dans la guerre des étoiles. En approchant du sol (un peu vite à mon goût), nous pouvons apercevoir les Pékinois qui regardent en l’air avec une expression amusée. Je crois qu’ils ne voient pas souvent des avions comme le notre qui font tout un tas de bruits bizarres. En voyant le sol, ma voisine de siège se tourna vers moi et m’annonça troublée : « à la vue de la Chine, je sens les pâleurs m’envahir. » Le pilote arrive finalement à poser l’appareil après quelques embardées et un crissement de pneus. Ce vol en compagnie d’Igor était vraiment sympa. Finalement, Je préfère les avions russes. On peut trinquer avec le pilote et raconter des blagues dans la cabine de pilotage. Ils sont moins guindés que les pilotes d’Air France et finalement ils ne s’écrasent pas plus souvent.
J’ai peu de souvenirs de notre escale de cinq heures à Moscou. À dire vrai, je ne pensais pas réussir à tenir debout après avoir bu autant de Vodka… Enfin, je suis peut-être couché, mais comme la Chine est à l’autre bout de nous, je ne m’en aperçois pas. Les autres passagers sont dans le même sens mais cela ne veut rien dire. Comme le remarquait Régis Laspalès, quand on est là-bas, on ne s’en rend pas compte parce que les Chinois ont des chaussures avec des semelles spéciales comme les mouches. Du coup, tu tiens ! Pour ce premier jour à Beijing, nous avons prévu d’aller visiter le Palais d’été. Nous allons déposer nos affaires à l’hôtel où nous devons retrouver Xiaodong, un ami de Violette.
Le Palais d’été désigne plus précisément un ensemble de palais et de jardins situés au Nord-Ouest de la ville autour du lac Kunming. Ce lieu est un vrai havre et de paix et la présence du lac apporte une fraicheur bienvenue. La température est proche de 35°C. Fabrice, mon compagnon de voyage breton semble de liquéfier d’heure en heure.
Devant le “Palais des Nuages Ordonnés”, nous décidons de nous joindre à un groupe de touristes pour profiter au mieux de notre escapade. Pendant la visite, le guide omet maladroitement de nous parler de la seconde guerre de l’opium en 1860, au cours de laquelle le palais fut mis à sac par les troupes franco-britanniques. Je me suis empressé de réparer cette erreur en apportant un luxe de détails. Quand il m’a demandé où je puisais ce savoir. Je lui ai humblement répondu que mes ancêtres ont participé au pillage, ajoutant, en citant Rimbaud, que « ma race ne se souleva jamais que pour piller, tels les loups à la bête qu’ils n’ont pas tuée. »
Après la visite, nous rentrons dans un petit salon de go en compagnie de Xiaodong. Quelques pépés sont en train de jouer dans un silence impressionnant. Les uns scrutent le plateau avec intensité, les autres posent les pierres avec décontraction ou méditent en regardant le thé refroidir. Je commence une partie avec Xiaodong. Le perdant doit offrir une boîte de calissons d’Aix-en-Provence au vainqueur. Dans mon infinie magnanimité, je décide de laisser gagner mon adversaire. Le vaincre en public lui aurait fait perdre la face. Il n’y a rien de plus grave pour un chinois que de perdre la face (à part se faire mordre l’oreille par un canard capitaliste sur la colline du capitole). De toute façon, j’étais le seul à avoir des boîtes de calissons dans son sac. Ma défaite arrangeait tout le monde. En début de soirée, nous allons manger dans un petit restaurant avec Xiaodong et sa femme. Pour faire le malin, j’ai décidé de commander moi-même un serpent à la sauce mandchoue, dont tout le monde me dit le plus grand bien. Hélas, je ne suis pas sûr d’avoir commandé le bon plat car le “serpent” en question a la même tête que Kiki, le Yorkshire de ma voisine. Avant de partir, je suis allé demander la recette au cuisinier si jamais je mets la main sur Kiki.