La répression n'aura pas eu raison de Mir Hossein Moussavi. Dans un discours prononcé devant des membres du corps enseignant, et publié, hier soir, sur Ghalamnews, son site Internet, il appelle les Iraniens à saisir l'occasion des prochaines cérémonies religieuses commémorant l'imam Mehdi pour descendre tous les soirs dans les rues.
C'est la première fois que ce candidat malheureux aux élections - qui dénonce, depuis le début, l'illégalité des résultats - encourage aussi ouvertement les manifestants à poursuivre leur protestation. « Plus ils arrêteront de gens, plus le mouvement prendra de l'ampleur », prévient-il, en référence aux mauvaises conditions de détention (voir Le Figaro d'aujourd'hui). La violence de la répression postélectorale, qui a causa la mort d'au moins 100 personnes - selon les organisations de défense des droits de l'homme - constitue, pour lui, un inquiétant phénomène, qu'il envisage de combattre jusqu'au bout.
"Les morts et les arrestations sont une catastrophe. Le peuple ne pardonnera pas ceux qui sont derrière ces crimes. Ce pays de 70 millions d'habitants ne peut devenir une prison pour l'ensemble d'entre eux », dit-il.
Samedi, le réformateur Mehdi Karoubi, qui avait également brigué le poste de président, avait, pour sa part, ouvertement accusé les services de renseignement de torturer les manifestants arrêtés. « Le comportement des agents de sécurité iraniens est pire que celui des sionistes en Palestine occupée », avait-il soutenu, en ajoutant : « Peut-on infliger à des détenus des pressions mentales dans des mosquées, des écoles ou les sous-sols de bâtiments publics? ».
On connaissait Moussavi réservé, effacé. Mais six semaines après la victoire contestée d'Ahmadinejad - à l'origine de fissures politiques sans précédent dans l'histoire de la République islamique - l'ex-premier ministre iranien dans les années 80 s'est imposé comme un leader de la contestation. Il multiplie les communiqués sur Internet. Son épouse, Zahra Rahnavard, diffuse, de son côté, des messages aux Iraniens via sa page personnelle sur facebook. En l'espace de ces dernières semaines, le couple s'est distingué par son courage en rendant visite aux familles des jeunes « martyrs » de la répression iranienne - placées sous haute surveillance par les services de sécurité - .
« Ils nous accusent de violer les normes (...) En fait, c'est vous (i.e. ceux qui s'opposent au mouvement vert) qui violez les normes", s'insurge Moussavi. « Il suffit de jeter un coup d'œil sur quelques cas, comme ceux de Ruholamini, Arabi et (Neda) Agha Soltan (trois des manifestants tués lors des manifestations). Et là vous verrez à quel point ils ont violé les normes de tout un système. Ces actions ne correspondent pas à ce qu'on pouvait attendre de la République islamique », dit-il.
Mir Hossein Moussavi, ancien révolutionnaire, fervent opposant au Chah d'Iran, qui défendait bec et ongle les valeurs de la République islamique a changé. Son discours d'hier a presque pris la forme d'un mea culpa faisant référence à la mauvaise tournure prise par la théocratie iranienne depuis 1979, censée être basée sur le slogan « Indépendance, Liberté, République islamique ».
«Les Iraniens ne se sont-ils pas mobilisés pour atteindre la liberté ? N'ont-ils pas participé, par millions, à des manifestations à travers le pays, pour le 22 Bahman 1357 (11 février 1979), en prononçant des slogans en faveur de la liberté ? Les gens voulaient la liberté ? Où est cette liberté ?» , demande-t-il.
Pour lui, les violations des droits de l'homme de ces dernières semaines sont insoutenables. «Est-ce vraiment de ce système dont nous rêvions : un système où des hommes s'attaqueraient en pleine nuit au domicile des étudiants et d'autres personnes, où ils détruiraient leurs voitures ? Et ensuite, toutes les organisations, du ministère des Renseignements au Bassidj disent ne pas être responsables de ce genre d'activité... Mais alors, d'où viennent ces hommes ? De la planète Mars ? En cas de meurtre, ces Messieurs sont tellement forts qu'ils peuvent trouver l'assaillant. Mais là, ils sont incapables d'identifier les auteurs des crimes ! Qui peut y croire ?», s'interroge-t-il, sans détour.
D'après lui, la cérémonie prévue ce jeudi en hommage aux manifestants morts lors des protestations - et pour laquelle il a déposé une demande officielle, restée sans réponse - constitue un «test» pour le gouvernement.
«Nous voulons tester le gouvernement. Il n'y aura pas de discours, nous voulons simplement utiliser le Grand Mossala (lieu de prière) de Téhéran pour lequel des centaines de millions de dollars ont été dépensés», prévient-il.
Dans une mise en garde à peine voilée à l'attention des ténors du régime, il précise également que les gens «ne pardonneront pas les crimes commis», en référence aux jeunes tués lors des manifestations ou en prison. «Je dis aux gens qui ont commis ces crimes que le peuple a puni ceux qui avaient commis de tels crimes avant la révolution», prévient-il. «Le régime, dit-il, n'a d'autre choix que de revenir aux principes de la Constitution, sinon les gens vont l'obliger à le faire», précise-t-il.
Quant à la «vague verte», il s'agit, selon lui, d'un mouvement irréversible. «Ces Messieurs pensaient qu'après le 12 juin (jour du scrutin controversé), les gens rentreraient chez eux. Mais la mobilisation nationale massive, en dépit du prix à payer, qui est toujours visible dans les rues 40 jours plus tard, montre à quel point le mouvement est profond.»