Ocean's Songs de Olivier de Kersauson

Par Mango
L’idée du livre est originale : raconter non pas ses propres voyages en mer mais décrire les défauts et les qualités des grands océans tels que les a ressentis le grand baroudeur qu’est aussi l’auteur. Olivier de Kersauson raconte dans ce livre sa géographie intime des mers du globe. Il a ses préférences, l’Atlantique, bien sûr, son premier amour et ses antipathies, particulièrement l’Océan indien: « le pays de la souffrance, le pays des vents mauvais, le pays où les muscles de l’homme sont durs comme du plâtre à force de travail sur le pont. »

Géronimo

Il nous parle de son enfance bretonne tellement sévère qu’il a très vite coupé les ponts avec sa famille et son enfance. Il nous raconte ses meilleures années passées à seconder Eric Tabarly qu’il aime et admire par-dessus tout.

Il nous présente les lieux qui l’ont marqué sur tous les continentsIl est allé partout, en sportif, sans jamais se fixer vraiment, toujours prêt à repartir en mer. Il a ça dans le sang. C’est dans sa famille. Il évoque la vie d’un de ses oncles, enterré en Afrique du sud, qui fut un héros de la guerre des boers, au début du XXe siècle.Auparavant il confie sa passion pour « l’histoire des explorateurs qui ont reculé les remparts du monde », en particulier Cook et La Pérouse sans lesquels « jamais nous n’aurions navigué de la sorte. »

Enfin il termine son livre par l’évocation de sa solitude actuelle, revendiquée et sans limites depuis la mort de sa femme en 2005. Il a choisi comme endroit où vivre désormais l’île deMoorea, en Polynésie française.

Moorea



Ni les courses autour du monde, ni les prouesses maritimes ne m’intéressent particulièrement, bien que d’une famille de marins, de génération en génération, mais où, c’est bien connu, du moins en Bretagne, il n’y a pas si longtemps,les femmes ne montaient jamais sur un bateau et ne savaient pas nager. Je sais nager, je navigue souvent,mais le monde des courses en solitaire et autres prouesses maritimes me laisse indifférente. Pourtant j’ai bien aimé ce livre, surtout vers la fin : ses réflexions sur La Grande-Bretagne et les Amériqueset le chapitre final : Voilà.

S’il est un pays qu’il admire, c’est bien l’Angleterre.

« L’Angleterre fabrique des fortunes plus vite qu’on ne monte des oeufs en neige. Ce pays est aussi la fabrique mondiale des grands excentriques et des grands auteurs à l’humour froid qui ont sur leur propre pays un regard d’une grande férocité. Evelyn Waugh reste un maître en la matière. »

« L’Angleterre, c’est le mélange des grandes familles et des petites gens à la Dickens. »

« J’ai toujours aimé cette grande liberté de ton chez les Anglais. Ils ne se poussent pas du col et font ce qu’ils disent. Ne sont pas agités comme nous pouvons l’être. Ils ne doutent jamais de leur légitimité. (...) L’Angleterre, c’est le goût du concret et des vérités dites. (...) Nous, Français, avons colonisé comme on a évangélisé : pour construire un lien. Eux, ils ont colonisé dans un but de captation qu’ils n’ont jamais caché. Nous, si. »

« Tourner autour du monde reste pour moi un inépuisable magasin d’aventures. Une seule chose a compté pour moi : le plaisir d’être en mer…. Le temps passé seul dans l’effort ouvre des failles béantes sur soi-même. J’y ai découvert le meilleur de moi-même. Mais le pire aussi. J’ai entrepris une conversation avec toujours le même interlocuteur : moi-même. Mon double posait un jugement sur moi. La solitude n’est pas forcément réconfortante mais elle me ramène à mes actes et me conduit à être en perpétuelle négociation avec moi-même. J’ai compris que je mourrai seul. Je suis accroché à ma solitude. »

Un bon moment de lecture donc avec un grand solitaire comme le sont les marins d’exception.

Ocean’s Songs de Olivier de Kersauson