De toutes les régions françaises, la Bretagne est sans nul doute celle que l'on pourrait qualifier de « favorite du ciel ». La preuve, il lui jouit dessus plusieurs fois par jour (1).
En effet, depuis pas loin de trois semaines que je suis là, je ne crois pas qu'il ait fait beau deux jours d'affilée. Et il y en a, des paires de jours d'affilée en trois semaines. C'est dire, donc.
Le temps étant à l'indécis fixe, il nous a été impossible de nous adonner à toutes ces joyeusetés normalement associées à l'été en Bretagne : pas de chasse au farouche bigorneau sauvage, pas de bains de mer ponctué de petits cris efféminés « hi, hi, hi, elle est froide », pas de longue promenade sur les remparts de Saint-Jacut-du-Méné, pas de traque de crevettes entre les trous d'eau.
Du coup, les deux tantes acariâtres et staliniennes (2) chez qui je loge ont décidé de m'exploiter jusqu'au trognon.
Ca fait que mes après-midis, au lieu d'être dévolus à de douces séances de bronzette sur la pelouse avec un bon bouquin (3), se déroulent dans les maisons qu'elles ont achetées afin de les retaper.
Pas que j'y retrouve à redire, en fait. Retaper des maisons en Bretagne, c'est plus gratifiant que de bâtir des châteaux en Espagne (4).
Me voilà donc contraint à transporter des plaques de plâtre de trente kilos (c'est chiant à faire passer par les escaliers), tailler des plaques de plâtre au cutter, raboter des plaques de plâtre, poncer des plaques de plâtre, couper des montants métalliques et des fourrures à la grignoteuse, enlever des mèches de perceuse, aller chercher des machins dans la maison d'à côté par laquelle on accède par le placard au fond des chiottes, visser des vis dans tout ce qui peut se voir percé par des vis, poser des tapis de laine de verre urticante partout où il faut isoler (là, on devrait pas entendre dans les chambres les gens qui font caca, même si les murs sont mitoyens avec les gogues), le tout en écoutant les dix mêmes chansons qui passent en boucle sur MFM depuis trois semaines parce que c'est la seule station qu'on reçoit correctement.
Mais, malgré tout, à mes moments perdus, car il se trouve que je perds des moments, des fois, quand on en est à l'électricité et que j'ai rien à faire parce qu'on peut pas être à trente-six sur un escabeau avec des tournevis et des dénudeuses à fil, je peux prendre le temps de faire de l'art.
Et donc, je laisse parler mon tempérament d'artiste, que mes parents ont cherché à brimer en moi depuis ma plus tendre enfance, et que j'ai longtemps dû refouler par peur des sarcasmes maternels qui accompagnèrent chacune de mes tentatives de cadeau de fête des mères (5).
C'est bien malheureux quand même, parce que j'ai découvert qu'à l'aide d'un simple cutter, d'un bout de tuyau à eau potable et d'un peu de talent, je pouvais faire un magnifique ressort à boudin (6), fixable au bout du doigt pour faire comme si on avait des doigts de déesse comme dans Yakitate Ja-Pan.
Mais mon grand-oeuvre est plus audacieux formellement.
Réalisé avec des rejets de montants métalliques, de rails et de fourrures, à l'aide d'une grignoteuse, d'un machin à faire des trous et d'un peu de simple force brute, voici le clou de ma future exposition au Grand Palais :
Machin n=°1
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1. Hop, voilà de quoi faire remonter mes stats
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2. Bon, en fait, l'une est anarchiste mais reçoit des tracts trotskystes, et l'autre préfère regarder le tour de France et reçoit Tennis Magazine
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3. Pour être tout à fait honnête, j'ai essayé une fois, et je me suis retrouvé des fourmis plein le T-shirt. Et elles mordaient, les salopes. Du coup, je suis rentré, et dix minutes plus tard, il pleuvait.
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4. C'est pas beau comme du Marc Lévy, ça ?
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5. Je dis ça parce qu'il paraît que ma maman me lit. Coucou maman !
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6. A vrai dire, je ne sais pas ce qu'est un ressort à boudin, mais ça sonne bien.