Je me souviens d'une époque où lorsque l'on circulait en voitures sur les routes, il n'était pas rare de voir des auto-stoppeurs seuls, ou par couples, stratégiquement placés aux sorties des villes à l'amorce d'un grand axe routier, ou bien au pied d'un feu rouge, implorant votre sympathie pour les conduire vers des ailleurs qu'ils espéraient meilleurs et ensoleillés. Le pouce agité quand le voyageur débutait sa journée, le pouce mou en fin de journée, voire pas de pouce mais un vague mouvement de bras quand la lassitude le gagnait. D'autres plus malins, laissaient leur amie vous aguicher ou vous attendrir par des mouvements de hanches subtiles ; toutes les techniques étaient bonnes pour arrêter un véhicule quel qu'il soit mais susceptible de vous emmener.
Le co-voiturage pouvait être intéressant, favorisant des rencontres et des conversations inédites entre conducteur et véhiculé. Je me souviens encore d'avoir été pris en stop par un chevrier dans sa bétaillère sur une petite route Corse alors que j'en effectuais la traversée à pied au début des années 90. Il m'avait expliqué son boulot alors que de l'arrière nous parvenait des odeurs fortes de suint et des bêlements pathétiques. D'un autre côté, le conducteur bien intentionné pouvait se trouver encombré d'un malotru comme celui du fameux sketch de Coluche « c'est comme une poubelle mais sans les poignées ! ». Tous les cas de figure étaient possibles, même les plus dramatiques si l'un des deux protagonistes s'avérait être un serial killer par exemple.
Toujours est-il qu'aujourd'hui j'ai l'impression qu'on ne voit plus beaucoup de ces voyageurs partant le sac au dos, pour des voyages à sauts de puce rythmés par la complaisance des automobilistes. Est-ce que les automobilistes devenus craintifs ou prudents c'est selon, ne prennent plus ces voyageurs ou que les auto-stoppeurs se sont tous payé des voitures ? Pour ma part je ne vois quasiment plus de ces étranges escargots géants. Paradoxalement le réchauffement climatique devrait les voir en masse sur les routes poussés par le besoin d'aller voir ailleurs, mais pourtant c'est le contraire. Une nouvelle espèce en voie de disparition très certainement.