Celle-ci est en effet présente dans tout le nord du Caucase, de la province de Kabarda au Daghestan. Mais, en utilisant la répression aveugle, le Kremlin court le risque de voir grossir les rangs des insurgés au lieu d'en tarir le recrutement. Sans doute, le pouvoir central russe craint-il de perdre le contrôle de ces républiques caucasiennes qui ont toujours été rétives à sa tutelle. Pourtant, contrairement aux Tchétchènes, les Ingouches n'étaient pas, jusqu'à maintenant, tentés par les revendications séparatistes.
Quelles sont les raisons qui poussent Vladimir Poutine à employer des méthodes musclées ? D'abord, il ne faut pas sous-estimer la force des mauvaises habitudes. Le précédent de la Tchétchénie laisse aussi à penser que l'approche des élections législatives - en décembre - puis du scrutin présidentiel - en mars 2008 - pousse les détenteurs du pouvoir à créer des foyers de tension pour rameuter les électeurs. Le procédé a bien fonctionné en 1999, quand M. Poutine a succédé à Boris Eltsine. Mais, à l'époque, le résultat des élections n'était pas acquis d'avance, alors que, après huit ans de système poutinien, l'emprise du pouvoir sur la société ne laisse place à aucun suspens. M. Poutine n'a pas besoin d'une nouvelle guerre intérieure pour continuer à gérer, directement ou par personne interposée, les affaires de l'Etat... et de l'économie.
Une autre hypothèse peut expliquer le regain de tension en Ingouchie : la situation dans l'ensemble du Caucase. Comme la Tchétchénie, l'Ingouchie a une frontière commune avec la Géorgie, bête noire des Russes depuis qu'elle s'est dégagée, en 2003, de l'influence prépondérante du Kremlin. Cette république du Caucase, indépendante depuis 1991, est considérée à Moscou comme un bastion avancé de l'Occident. Rien ne doit être négligé pour la déstabiliser. La Russie a chassé les Géorgiens de son territoire et ordonné une forme de blocus. Elle soutient deux régions séparatistes en Géorgie - l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud - et n'hésite pas à provoquer des incidents à la frontière tchétchène. L'Ingouchie constitue une nouvelle source d'instabilité qui peut décourager les Américains d'accepter la Géorgie dans l'OTAN. Ce faisant, M. Poutine jouerait avec le feu, à l'intérieur de la Russie, avec ses voisins et avec les Occidentaux.
Article paru dans l'édition du 04.10.07 du Monde dans la rubrique EDITORIAL
Repères
Géographie. La petite république d'Ingouchie (4000 km2 pour moins de 500 000 habitants), située dans le Caucase du Nord, est membre de la Fédération de Russie. Sa capitale a été transférée en 2002 à Magas. Nazran demeure la principale ville du pays.
Politique. Le pays est dirigé depuis avril 2002 par le président Mourat Ziazikov, un ancien général du FSB (ex-KGB), proche du chef de l'Etat russe, Vladimir Poutine .
Histoire. Des tensions interethniques sont apparues avec la désintégration de l'Union soviétique. Amputée en 1957 de 40 % de sa superficie au profit de l'Ossétie, l'Ingouchie tenta ainsi en 1992 de récupérer ces territoires. Des dizaines de milliers d'Ingouches furent finalement contraints de quitter l'Ossétie où ils s'étaient réinstallés après avoir été déportés en Asie centrale par Staline qui les avaient accusé de collaboration avec les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. La République socialiste soviétique de Tchétchénie-Ingouchie fut alors dissoute par Staline. Lorsque la Tchétchénie déclara son indépendance en 1991, la République d'Ingouchie décida de rester au sein de la Russie.
L'Ingouchie est en proie à une rébellion islamiste, conséquence des guerres qui ont ravagé la Tchétchénie voisine depuis 1994, des conflits qui provoquèrent l'afflux de dizaines de milliers de réfugiés