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"Bernard Pagès, Élancées de fêtes, mais tenant au socle du monde", de James Sacré (lecture de Tristan Hordé)

Par Florence Trocmé

James Sacré,
James Sacré (lecture de Tristan Hordé)" title=""Bernard Pagès, Élancées de fêtes, mais tenant au socle du monde", de James Sacré (lecture de Tristan Hordé)" /> James Sacré a écrit à propos de photographies (celles de Lorand Gaspar), de tableaux (ceux de Khalil El Ghrib), aujourd'hui de sculptures de Bernard Pagès exposées en différents lieux d'Aix-en-Provence ainsi qu'à l'abbaye de Silvacane et à La Roque d'Anthéron. Pour le lecteur sont rassemblés un ensemble important de photographies de Michel Chassat (sculptures souvent saisies à l'extérieur et non dans un musée, détails), et des proses ou des poèmes, le partage se faisant notamment par le retour à la ligne.
Le sculpteur associe des matériaux divers − pierre, béton, bois, métal, plâtre − sans pour autant chercher à obtenir des figures reconnaissables, et le nom qu'il leur donne n'est pas aisément interprétable. Mais comment écrire autour de sculptures ? La description pourrait laisser penser à des œuvres figuratives, ce qu'elles ne sont pas, mais elle échoue par l'énumération des matériaux employés à représenter quoi que ce soit - d'où la multiplication des hésitations : (" [...] un bloc de pierre (ou bien c'est un accident de la nature [...]) ", des comparaisons : " on dirait [...] ". Reste pour James Sacré à fixer des émotions devant telle œuvre : " Qu'est-ce qui s'est échappé de cette pierre, qu'on ne voit plus mais qui fait que l'air au-dessus en tremble ? ".
Ce ne sont pas toujours directement des impressions qui sont mises en mots, bien plutôt ce que l'imaginaire travaille ; ici la forme composée par Bernard Pagès est rapportée à la campagne de l'enfance : un débris de machine agricole, le maïs qui se redresse ou ses feuilles, (" j'en porte un peu [...] de grandes brassées à mes vaches "), ou le timon de la charrette à bœufs. Là, c'est plus immédiatement grâce au titre de la sculpture ( L'Acrobate au grand fusain) que sont écrits deux poèmes autour du cirque, l'une des passions de James Sacré.
C'est que la rêverie s'attarde aussi sur la désignation des sculptures, comme on le ferait sur le titre d'un livre. Le nom contient tout un monde de mots et l'absence de relation perceptible avec l'objet multiplie les possibilités. La sculpture " La Houppe jaune ", par exemple, suscite des développements sur l'inadéquation de l'intitulé (" Tout le contraire de ce qu'est une houppe. Légèreté de plumes et de poils. "), sur le choix des noms (" Quel rapport les sculptures de Pagès entretiennent-elles avec les mots qui les nomment ? "), avant de conclure sur le caractère heureux de ce choix : " Houppe, en fait est un mot particulièrement lourd et poussif, mais dedans il y a le léger de la huppe. La houppe de huppe (ou l'inverse). Et c'est tout un envol cassé de couleurs vives qui fait vibrer l'équilibre foisonnant du printemps ".
En même temps que ces jeux avec lettres et sons, comme les affectionnait Leiris, et par leur biais, James Sacré approche la relation entre l'activité de l'artiste et le monde, les mots du poème et le monde. Rien de surprenant donc que le livre se termine par les questions au cœur de son œuvre 1 :
Par des gestes qu'il y faut, sculpter n'est-il pas toujours
Projeter vif ou douloureux le corps
En l'espace indifférent du monde ?
Comme aussi
Le danseur ou l'acrobate.
Comment m'y prendre avec un poème
Pour dresser un corps de grammaire et de mots
Qui serait là respirant le monde ?
Alors que juste un peu d'encre couchée
Sur du papier.
Comment des mots sont-ils présents
Brandis dans les gestes de Pagès
Surgeons, dévers, houppes et pals,
La déjetée, l'essoufflée, la renversée,
La torse ?

Contribution de Tristan Hordé

Bernard Pagès, Élancées de fêtes, mais tenant au socle du monde, photographies de Michel Chassat, éditions La Pionnière, 2009, 28 €.


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