Amateur de beaux meubles, de bibelots exquis et d’un certain art de vivre encore rare à l’époque, Eugène Sue n’incarnait en aucune façon le monde décrit dans son chef d’œuvre « Les mystères de Paris ». Auteur dans un premier temps de romans maritimes, ce médecin et fils de médecin avait écrit parfois plus par nécessité que porté vers un véritable destin littéraire. C’est d’ailleurs après une douloureuse passe financière que Sue se remet à sa table d’écrivain et livre « Arthur », ce roman dont le héro est un dandy cynique qui cousine étrangement avec son auteur.
Requinqué financièrement, c’est en décrivant l’univers glauque des bas-fonds de la ville qu’Eugène Sue va signer son ouvrage majeur. Loin d’être un socialiste qui s’ignorait, c’est en écrivant « Les mystères de Paris » dira Dumas que Sue « se mit à aimer le peuple, qu’il avait peint, qu’il soulageait, et qui, de son côté, lui faisait son plus grand, son plus beau succès ».
« Les mystères de Paris » furent effectivement un très grand succès mais aussi un scandale permanent au fil de la parution du feuilleton.
En campant ce petit peuple, ces pariats et ces malfrats sans foi ni loi, Sue va apparaître comme peut-être le plus grand provocateur de ce siècle en matière de littérature. Tout le monde lira le feuilleton des « mystères », les bourgeois comme les illettrés qui se faisaient lire par autrui les pages du journal. Le pays se divisera à propos des « mystères » dont tout le monde attendait avec impatience « la suite au prochain numéro ».
Cet archétype du roman-feuilleton vient donc de connaître une nouvelle édition (une nouvelle vie ?) grâce à Quarto-Gallimard et à Judith Lyon-Caen qui supervise avec talent un texte et des annexes fort intéressantes. En accompagnant…