Voici un petit bilan d'étape sur l'économie US, les résultats des plans Bush-Paulson-Obama-Geithner.
On me pardonnera les fonds de certains graphiques, je faisais simplement quelques tests des fonctions décoratives de mon tableur à partir d'images trouvées (presque) au hasard sur le web :-)
Commençons d'abord par les domaines où ces plans ont produit des résultats incontestables, et très largement au delà des "espérances" de leurs promoteurs :
La croissance de la dette publique (source)
Le rythme de creusement de la dette nette US (j'entends pas "dette nette" ce que l'état doit aux autres acteurs économique, donc hors dette intra-gouvernementale) s'est maintenu au rythme moyen d'environ 1000 milliards de $ par semestre.
La somme due par l'état a donc augmenté d'environ 38% en à peine plus d'un an.
L'évolution du taux de chômage.
Il y a plusieurs chiffrages possibles du taux de chômage US (donnes BLS) : le chômage au sens strict (personnes à la recherche d'un emploi, n'exerçant aucune activité), et une mesure au sens large, incluant notamment les personnes obligées de travailler à temps partiel pour des raisons économiques).
On trouvera ici en comparaison ce que le taux de chômage était censé faire dans un univers imaginaire keynésien où les "plans de relance" auraient l'efficacité qu'on leur prête.
Pour le moment, le taux de chômage au sens large est passé de 8% avant le démarrage de la crise à 16,5% aujourd'hui, c'est à dire qu'un travailleur américain sur 12 a perdu son emploi partiellement ou totalement. Ce qui ne sera évidemment pas sans conséquences sur la "reprise" que l'on nous promet, d'autant que cette hausse est loin d'être terminée.
Continuons à présent par les mesures centrales de l'activité économique : ventes au détail, immobilier, véhicules, activité manufacturière.
ventes au détail :
ventes de véhicules légers
ventes de logements neufs
Index de la production industrielle des USA
Tout ce que nous pouvons dire à la lecture de cette série de graphiques est qu'il n'y a aucun rebond sérieux de l'activité, nous observons simplement pour l'instant un palier dans la récession.
Signalons aussi cet article synthétique sur l'actualité économique US à partir du trafic ferroviaire, avec de nombreux indicateurs.
Les indices de confiance à présent.
Sur ce plan par contre, le rebond est incontestable, les consommateurs semblent avoir repris espoir, même si leur niveau de confiance reste encore faible. On trouvera ici l'indice de confiance du Michigan, d'autres indices présentent le même aspect.
Le seul problème est que cet "espoir" n'a aucune traduction concrète pour le moment.
Les deux indicateurs les plus positifs de ce tableau sont les ISM manufacturiers et services, qui ont rebondi de façon importante. Mais ils restent sous la barre des 50 signalant une contraction de l'activité, ce qui confirme ce que nous venons de voir, à savoir un simple palier dans la récession.
Que penser de la suite ? Est-ce que ce palier peut se transformer en véritable reprise ou est-ce que la descente va reprendre son cours après une pause ou un faible rebond de quelques mois ?
Pour ma part, je maintiens mes prévisions de poursuite de la descente, dans un contexte qui est pour moi celui d'une vraie dépression économique (prévision d'une chute du PIB de plus de 10% entre le point haut et le point bas de la crise), pour plusieurs raisons :
1) Malgré sa politique de cavalerie sans précédent, l'état US est incapable de relancer le crédit, et c'était cette seule expansion du crédit qui avait permis de réaliser la croissance artificielle des années 2000.
La statistique Z1 de la FED a montré que la dette totale des USA a baissé (très légèrement) au 1er trimestre 2009, fait sans précédent depuis des décennies de croissance du crédit, et ce malgré la frénésie d'emprunt du gouvernement que nous avons vu plus haut dans cet article.
Au niveau des prêts détenus par les banques commerciales (statistique hebdomadaire H8 de la FED), la tendance est la même : après un sursaut à l'automne 2008 lié au plan Bush, la tendance à la baisse a repris, malgré toutes les efforts de l'état en matière de déficit et de gaspillage d'argent public :
Pour relancer le crédit et le faire revenir au rythme des années précédentes, il faudrait que l'état dépense au moins 4000 milliards de $ chaque année uniquement au titre de la fuite en avant dans la dette (et sans doute plus, vu que les autres secteurs n'augmentent plus leur endettement, mais le réduisent), soit environ 1 plan Obama tous les 2 mois.
Si on arrivait à ce niveau de dépenses, la cavalerie croissance des années précédentes pourrait effectivement repartir, peu avant une faillite totale de l'état US. En cela, le prix Nobel Paul Krugman, keynésien "ultra" et admirateur de Charles Ponzi et de Bernard Madoff a "raison" de dire qu'il faudrait creuser encore plus le déficit des USA et voler encore plus d'argent aux générations futures et aux épargnants raisonnables pour "contrer" la crise (il oublie juste de parler du désastre qui se produirait après les quelques trimestres de "reprise" qu'il aurait ainsi obtenus).
2) La marge de manoeuvre de l'état se réduit chaque mois :
A cause de la crise, les recettes de l'état US fondent en effet rapidement, et ont baissé de plus de 22% en un an. Dans le même temps, les dépenses de ce même état ont augmenté de presque 80%.
Une telle gestion peut-elle être prolongée durablement ?
La réponse est évidemment non (sauf si on écoute les extrémistes de la cavalerie comme P.Krugman).
Deux forces viendront contrer rapidement ce mouvement, et limiter la marge de manoeuvre de l'état (dont la capacité d'action est déjà insuffisante) :
- Les taux d'intérêt. Le premier avertissement s'est produit au printemps 2009 quand les taux des prêts hypothécaires ont commencé à monter en suivant les taux des emprunts d'état. Les choses sont plus ou moins rentrées dans l'ordre pour le moment, mais la pression augmentera à chaque tentative des dirigeants d'augmenter encore le niveau des dépenses et de l'endettement public.
- L'opinion publique. C'est pour moi l'élément le plus important. J'attaque souvent les "keynésiens" ici et leur politique de fuite en avant. Mais je n'oublie pas que cette politique n'est que l'expression de la volonté d'une foule euphorique.
Avec l'arrivée de la crise le sentiment de foule commence à changer, comme le montre ce sondage à mon avis capital pour la suite : 60% des américains sont à présent opposés à l'adoption d'un nouveau plan de relance, contre 27% seulement qui y sont favorables. La volonté de rigueur budgétaire se fait de plus en plus forte, avec 45% des sondés qui souhaitent l'annulation des dépenses restant à faire dans le cadre du premier plan Obama, la réduction du déficit étant vu comme bien plus importante (37%) que la réforme du système de santé (20%).
Ce n'est pas pour moi une saute d'humeur, il s'agit d'un basculement de psychologie des foules de la vie à crédit vers la frugalité, qui ne va cesser de s'amplifier, comme à chaque fin de supercycle économique (hiver de kondratieff).
On peut reprocher beaucoup de choses à Barack Obama et à sa politique économique, mais il y a un domaine où je le crois très bon : c'est un fin politique, qui sait sentir les changements d'opinion. Si l'opinion devient majoritaire en faveur de la rigueur budgétaire, il la suivra, et le siège éjectable de Bernanke en fera les frais.Ses derniers discours marquent d'ailleurs une inflexion vers plus de rigueur budgétaire.
Les thèses de Ron Paul (que je soutiens et qui n'a jamais trahi ses idées libérales, contrairement à beaucoup) gagnent en popularité, et sa proposition d'audit de la FED a déjà l'appui de plus de la moitié des parlementaires. C'est un autre signe de défiance clair vis à vis du système FED, basé sur le crédit.
Plus le temps passera, plus la déflation apparaîtra comme ce qu'elle est vraiment, c'est à dire le remède, et non le problème.
3) la hausse du taux de chômage sapera les capacités des ménages à consommer.
La mesure qui nous intéresse ici est celle du taux de chômage au sens large (perte d'emploi totale ou temps partiel forcé). Ce nombre, déjà passé de 8% à 16,5% de la population active va continuer d'augmenter, et le franchissement de la barre des 20% n'est qu'une question de temps. Entre le début de la crise et aujourd'hui, environ 1 actif sur 12 a perdu totalement ou en partie son emploi, et a donc subi une perte partielle ou totale de revenus. Cela fait autant de personnes en moins disponibles pour participer à une éventuelle reprise de l'économie.
4) Les pressions sur le marché immobilier vont continuer au moins jusqu'en 2011 ou 2012, et aucune reprise à ce niveau n'est à attendre.
Le niveau des prix immobiliers aux USA(selon l'historique de Case-Shiller) peut être consulté ici, sur le site de Robert Shiller.
On peut voir que l'index des prix immobiliers (en monnaie constante), a 130 aujourd'hui a déjà corrigé une part importante de la bulle (202 au plus haut). Mais vu l'importance de la crise, il reste du chemin à parcourir avant d'arriver à un véritable excès baissier caractéristique des grandes crises (entre 70 et 80)...Cela dit il y a sans doute déjà de très bonnes affaires à réaliser dans certains endroits pour les résidents US qui connaissent bien leur marché.
L'immobilier US ne repartira pas tant que les stocks ne seront pas revenus à un niveau normal.
Le problème est que jusqu'en 2011-2012 au moins, le flot de saisies immobilières restera très élevé.
D'abord à cause des prêts à taux révisables dont les mensualités vont être "révisées" (c'est à dire fortement augmentés comme le prévoient les contrats sur ce type de prêts), voir les données de calculated risk sur ce sujet.
Ensuite à cause de la hausse du chômage qui provoque des défauts sur toutes les catégories de prêts (y compris sur les "prime", c'est à dire les emprunteurs censés être solides).
Les saisies immobilières ont déjà marqué de nouveaux records sur le premier semestre 2009 (malgré tous les plans gouvernementaux, qui n'ont servi comme prévu à rien). Voir ce graphique de foreclosurepulse.com et cet article.
5) Les ménages épargnent de plus en plus au lieu de consommer
Le retournement de tendance est très clair sur ce graphique de la FED.
Et comme il ne s'agit que d'un retour à une situation normale, il y a peu de chances de voir cette tendance s'inverser.
En conclusion :
Nous allons sans doute observer une pause dans la récession, qui se verra dans les chiffres du PIB des 2ème et 3ème trimestres. Cette pause ne doit à mon avis pas faire oublier que la partie la plus intense de la récession reste devant nous. Nous ne sommes pas dans le cadre d'une reprise en W, en V ou en L, mais plutôt dans celui d'un escalier descendant.
Le seul scénario alternatif que l'on puisse espérer pour les pays développés est celui d'un scénario à la Japonaise, où une très forte croissance des pays émergents adoucirait la récession dans les pays développés.
Mais attention, ce n'est pas le plus probable pour le moment, vu que les exportations des USA vers la Chine par exemple sont insignifiantes et ne s'élèvent qu'à 0,5% de son PIB. Reste quand même la part d'activité des entreprises occidentales implantées chez les émergents, qui est difficile à évaluer.