En novembre 1991, je tombai malade. Presque 20 ans plus tard, je suis assis en tailleur sur le sol d’une pièce dépouillée de tout, positionné rigoureusement en son centre ; les quatre murs sont à équidistance de mes mains en lotus. J’attends que la crise passe. Les battements de mon cœur pulsent au bout de mes doigts joints, et je compte les laps, comme on compte les laps durant un orage pour se rassurer.
Il ne doit pas se passer quelque chose d’innommable pour que je perde le fil, un rien suffit. Depuis ce fameux jour de novembre de cette fameuse année impaire, ce ne sont que des broutilles qui m’ont mené à la souffrance. Je le sais et, les jours de consultation, c’est un sujet de discussion éternel avec le docteur Berg. Cette vérité inéluctable qui devrait me rassurer ; jamais je ne suis passé de l’autre côté. Jamais je ne suis entré dans la folie. Le handicap n’en est pas moindre ; l’incohérence causée par la terreur m’oblige à rester ici, m’empêche de vivre ma vie d’adulte.
Mes bras forment à présent avec mon corps un carré, mes jambes sous-jacentes sont pliées de telle sorte que la plante de mes pieds en soient le centre. J’expulse de mes poumons tout l’air qu’ils contiennent, finit dans un râle, tente une remontée calme, inspire lentement, recommence ; jusqu’à ce que les idées morbides soient expulsées par une harmonie géométrique, numérale et temporelle.