Expression oxymore : politique généreuse

Publié le 26 juillet 2009 par Magazinenagg

Les politiciens sont de toutes les tribunes pour promouvoir la guerre à la pauvreté. Les énoncés d'intention, les lois, les programmes et autres initiatives pleuvent, mais quand arrive le temps d'agir c'est la panne sèche.

Les politiciens comprennent mieux que quiconque l'importance de la pauvreté, car plus il y a de pauvreté plus le gouvernement doit intervenir pour la combattre. Alors, demander aux politiciens de combattre la pauvreté c'est comme demander à l'ouvrier de travailler à la fermeture de son usine.

La situation décrite par Richard Martineau n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
________

Combattre la pauvreté avec des pilules
Richard Martineau, Journal de Montréal, 25/07/2009

Jeudi, on apprenait que, si la tendance se maintient, la consommation de Ritalin pourrait fracasser un nouveau record au Québec.

En effet, des données obtenues par le Journal révèlent que le Québec est le "champion canadien" du Ritalin.

On prescrit ça comme si c'était des Smarties...

VICTIMES DE LA PAUVRETÉ

Pour le pédiatre Gilles Julien, qui travaille auprès des enfants défavorisés de Montréal, cette hausse de la consommation de médicaments est inquiétante.

"C'est avant tout un problème de société, a-t-il confié au journaliste Sébastien Ménard. C'est dû au fait qu'on ne soutient pas suffisamment les milieux défavorisés."

Que certains enfants hyperactifs aient besoin de Ritalin, personne ne le conteste. Mais d'autres sont tout simplement victimes de leur milieu. Ils ne sont pas turbulents parce qu'ils souffrent de troubles neurologiques, ils sont turbulents parce qu'ils sont stressés et qu'ils vivent dans des conditions précaires.

Quand tu es pauvre, tu ne manges pas à ta faim, tu vis des expériences éprouvantes à la maison et tu manques souvent d'encadrement. Pas étonnant que tu aies de la misère à te concentrer à l'école!

Mais au lieu de travailler à la source du problème (c'est-à-dire en apportant de l'aide aux familles en difficulté), on préfère prescrire des pilules aux enfants.

C'est plus rapide et plus efficace.

Prenez l'arrondissement Saint-Laurent, par exemple.

Ce quartier de Montréal est l'un des plus pauvres de l'île. Plus de 40% des enfants de moins de cinq ans y vivent sous le seuil de la pauvreté et 43% des enfants présentent des indices de vulnérabilité au moment de leur entrée à la maternelle (à titre de comparaison, la moyenne montréalaise est de 33%).

Bref, les enfants de Saint-Laurent tirent le diable par la queue.

Un groupe de citoyens s'est mobilisé pour leur venir en aide et a accouché d'un projet en or: une Maison de l'enfance, regroupant un CPE, une maison des familles (destinée à aider les parents débordés) et un centre de pédiatrie sociale, comme celui que Gilles Julien dirige à Hochelaga-Maisonneuve.

Le CSSS de la région a cédé un gros terrain pour un dollar, l'arrondissement a promis une aide financière, la Fondation du Dr Julien a apporté un soutien logistique, les députés du secteur (Jacques Dupuis et Christine Saint-Pierre) ont donné leur appui, le ministre de la Famille Tony Tomassi s'est même engagé à plusieurs reprises à appuyer la mise en oeuvre du projet. Bref, tout allait bien.

Mais le mois dernier, après avoir promis aux organisateurs qu'il serait à la première pelletée de terre, Tony Tomassi a soudainement retiré ses billes, faisant annoncer par des fonctionnaires subalternes que son ministère ne soutenait plus le projet.

Résultat: cette Maison de l'enfance risque de ne jamais voir le jour.

Le 28 mai dernier, les représentants du ministère de la Famille ont signé la Déclaration montréalaise sur le développement de l'enfant, qui affirme haut et fort l'importance "de développer une approche réseautée, concertée et intégrée" dans l'aide aux enfants en difficulté.

Or, c'est EXACTEMENT ce que propose la Maison de l'enfance de Saint-Laurent!

Malgré cela, le ministère de la Famille refuse obstinément de s'impliquer.

Que va-t-il advenir des enfants pauvres de Saint-Laurent (un arrondissement en pleine croissance, où l'on compte 25 naissances par semaine)?

Probablement rien. Ils vont continuer de stresser et d'angoisser.

Et qu'est-ce qu'on va faire pour les aider? On va leur donner des pilules...