WILLY fait son miel de tout
(1) Voir : La Critique. Une enquête sur le droit à la critique. 1896.
(1) Les Profondeurs de Kyamo (2)
Hier, comme je relisais, pour la dixième fois, l'humoristique nouvelle végétarienne que l'auteur des Profondeurs de Kyamo daigna – pourquoi ? - dédier à l'Ouvreuse du Cirque d'Eté, quelque amertume s'éleva des voluptés qui m'inondaient, et, dans les fleurs même... (Lucrèce, que me veux-tu ?... Bref, je regrettais âcrement d'avoir à torcher pour La Critique un articulet où dire tout le bien que je pensais de l'oeuvre des Rosny [I] en général, et de leur dernier livre en particulier. C'est si embêtant de faire de la copie, en vacances (3) ; ainsi, tenez, je n'ai point encore parlé des Maîtres chanteurs [II], absolument remarquables, de Brinn'Gaubast ! Ah ! La flemme, l'invincible flemme !...
Par fortune l'humoriste si jeune encore, si talentueux déjà, à qui nous devons la fameuse Lettre longue à la bien-aimée [III] et qui nous doit Penses-tu réussir ? [IV] m'envoie de Jumièges [V], quelques feuillets d'une grâce désinvolte; me renseignant sur la fréquence des orages dans la Seine-Inférieure, sur l'Eros-série de quelques ruminantes du pâturage d'Harcourt [VI] avec lesquelles il daigne correspondre, sur ses dernières lectures ; parmi celles-ci, les Profondeurs de Kyamo. Mince de veine ! Donc, je copie ce passage de sa lettre :
« Ni l'Art d'aimer où la gracieuse insolence de Catulle Mendès conseille tous les précieux mensonges, ni la grave Erotique traditionnelle de Joséphin Péladan, ni les sages réflexions de Démétrios de Sais devant l'Aphrodite fleurie des vraies perles de l'Anadyomène... ne ressemblent au « Livre d'Amour » que l'on pourrait conclure de l'oeuvre de MM. Rosny, et aujourd'hui de ce livre Les Profondeurs de Kyamo, qui résume fort bien les autres.
Dans la préface de Daniel Valgraive, MM. Rosny écrivaient à peu près ceci : « ... une morale non pas nouvelle, mais portée à une nouvelle puissance... », il me semble qu'ils ont assez bien réalisé ce programme. La morale du sacrifice, dégagée des mesquineries catholiques qui en font un ridicule marchandage, s'est élargie en le souci d'une universelle justice – ils ont fait agir une « vertu » qui ne serait ni hypocrite ni ennuyeuse, et si, pour ma part, je conçois plus facilement l'évolution de l'humanité par une élite appuyée sur l'instinct, je suis cependant séduit par la noblesse de cette solidarité de bonté dont MM. Rosny se plaisent, - avec quelle poésie puissante ! - à vouloir trouver déjà le germe dans les crânes de nos aïeux chasseurs... » [VII]
Dommage, n'est-ce-pas, que Jean-aux-impeccables-redingotes-1830 ne m'écrive pas plus souvent !
Willy(1) Réflexions sans profondeurs sur...
(2) Plon, éditeur.
(3) Quand on n'est pas en vacances, ca n'est pas bien amusant non plus.
[I] J.-H. Rosny sur Livrenblog : J.-H. Rosny Revue Otrante. Vamireh, roman des temps préhistoriques de J. H. Rosny par Jules Renard. Biribi de Georges Darien par G. Albert Aurier et Rosny. Léon Bloy « catholique à la grosse tête » par J.-H. Rosny, "Catholique à la grosse tête" suite. A. France : Rosny/Myron vu par Rosny/Servaise. Des Pommes, des poires ? Alphonse Daudet psychologue. Rosny (J.-H.) : Les Ames perdues : Anarchie Fin de siècle.
[III] Jean de Tinan : Lettre longue à la Bien-Aimée pour lui expliquer que cela n'a pas d'importance. Le Centaure, volume 1, mai 1896. [IV] Penses-tu réussir ! de Jean de Tinan, paraîtra fin avril 1897, le texte en était connu par un cercle d'amis, voir l'article de Rachilde dans le Mercure de France daté de janvier 1897 (Jean de Tinan, Willy, petite revue de presse.). Toutefois à la date de l'article de Willy, Penses-tu réussir ! n'est pas encore fini, en effet en novembre 1896, Pierre Louÿs et Jean de Tinan signent un contrat où Tinan s'engage à terminer son roman dans les 60 jours (Cf. Jean-Paul Goujon : Jean de Tinan. Plon, 1990. pages 258/259).
[V] Jean de Tinan séjourne régulièrement à Jumiège, chez sa tante, où il retrouve sa famille et le grand parc de l'ancienne abbaye.
[VI] Le café d'Harcourt, qui avec la Taverne du Panthéon est un des quartiers généraux de Tinan et de ses amis, Lebey, Louÿs et Henri Albert. Il y donne ses rendez-vous littéraires et féminins.
[VII] « Dans une Afrique qui fait encore figure de "continent mystérieux" et dans une forêt inexplorée, Alglave, courageux savant et découvreur solitaire, fait la rencontre d'un peuple d'anthropoïdes connu jusqu'alors uniquement par ouï-dire. » Philippe Clermont : Science darwiniste et fiction spéculative : L'exemple de J.-H. Rosny aîné. (voir : l'analyse des Profondeurs de Kyamo, texte en ligne sur le site de la revue
Alliage)Sur Willy et Tinan : Jean de Tinan, Willy, petite revue de presse.Une photo de Mina Schrader, esthéte et anarchiste.