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Julien Dray entre distance et hargne

Publié le 25 juillet 2009 par Vogelsong @Vogelsong

Ils considèrent que je suis un bâtard, je ne suis pas un enfant naturel de ce parti“, amer et lucide sur ses “amis” du PS, J. Dray dépeint une année politique personnelle et collective cauchemardesque. Pendant près de deux heures, il joue, semble-t-il, ouvertement le jeu avec des blogueurs et des Chroniqueurs. Vieux guerrier de la politique française, il distille avec un étrange mélange de distance et de hargne son analyse de l’état de la gauche française. A la date de l’entrevue, J. Dray n’est pas mis en examen, l’affaire qui le concerne remplit les journaux nationaux, friands. Et dans ce contexte, le sujet ne sera qu’effleuré.

J. Dray décrit les dignitaires du PS, aujourd’hui aux manettes, comme “les enfants gâtés du Mitterrandisme“, M. Aubry, S. Royal, L. Fabius “n’ont aucune connaissance de l’histoire du mouvement ouvrier”. Une génération qui a tout eu, éloignée des réalités quotidiennes.
Il se considère comme un trublion qui les ennuie depuis des décennies. Aujourd’hui, la direction se réjouit de l’affaire Dray et de sa mise à l’écart. Dans ce contexte il se sent plus libre avec la direction du PS. Il déclare “je n’ai plus rien à perdre“, et ne se présente à aucune élection, ne brigue aucun poste. Il fustige et menace les indolents du parti tels que J.C. Cambadélis ou C. Bartolone. Pyromanes, flingueurs et paresseux.
Il aimerait se poser comme possible catalyseur d’un “réel” renouveau générationnel et idéologique, même s’il l’affirme, “il y a de jeunes cons et des vieux très bien“.
Il y a des idées à gauche. Énormément. Le député de l’Essonne rappelle à juste titre le foisonnement d’ouvrages d’analyses sérieuses sur la situation économique. Mais la machine politique socialiste est “imperméable” à ce mouvement critique, incapable de réactiver une dynamique de réflexion. Il observe la banalité, la pauvreté du discours que propose la formation dirigée par M. Aubry.

Dans le cloaque qu’est devenu le parti, J. Dray propose la théorie du pire. L’annihilation, la disparition des gens qui sont à la tête de la formation sclérosée. “Ils doivent partir !” lance-t-il. Ce qui attend les nostalgiques, les conservateurs enkystés et épuisés, c’est “1969” et “5% aux élections“. Une perspective torride.

Faussement prémonitoire et narquois, il annonce la tactique pour les régionales en singeant le discours des instances du PS : “Aux Européennes les gens se sont défoulés, aux régionales ce sera la bataille pour sauver les régions sur la peur de Sarkozy“. La stratégie consternante des mêmes équipes qui faillirent en 2002, en 2007 et reconduites pour 2010.

Le député de gauche propose de sortir de l’ornière par l’organisation de primaires ouvertes dans la ligne d’un congrès extraordinaire. Malgré les forces qui s’opposent à ce projet, “il y a assez de gens qui veulent le faire“, même en parallèle hors des structures du parti. L’ouverture à toute la gauche est indispensable dans la perspective d’un rassemblement arc-en-ciel : “Tenir les deux bouts“, du MODEM de F. Bayrou à la gauche radicale, malgré les différences. Face à la droite et N. Sarkozy qui dézinguent la politique, c’est la seule voie de salut pour les progressistes. Pour J. Dray, le leader centriste a pris un billet sans retour vers la gauche. Prisonnier d’une logique de radicalité face à ses ex-alliés exterminateurs, il n’a plus d’autres choix que de rejoindre le camp réformiste, à gauche.
J. Dray est dans la recherche d’un compromis historique.  Sortir du culte de l’avant garde de 1981 et de la pureté de la gauche. Utopie qui a donné les résultats que l’on connaît. Garder son identité, mais rassembler pour gagner et changer la société.

Il se profile aussi une défaite en rase campagne en 2012, notamment grâce aux ficelles sarkozystes de l’ouverture (ou du débauchage). Comme exemple récent, M. Rocard consternant prestataire de la communication anxiogène de l’UMP à propos de la nouvelle taxe écologique, “c’est lui qui annonce les mauvaises nouvelles“. Choisi parmi un cheptel d’hommes politiques en position de faiblesse ou marginalisés ; ainsi l’UMP désarticule durablement le débat politique.
L’erreur à gauche fut de ne pas imposer de règles claires au PS dès le début. Il citera le cas de J. Lang qui votera la modification constitutionnelle sans réprimande. Les deux poids, deux mesures au PS pour les caciques de la famille. Une logique qui se confirme plus tard avec la lettre de M. Aubry envoyée à M. Valls. Alors que J. Lang, encore lui, soutient bec et ongles la loi HADOPI, sans réprimande encore. La famille socialiste a ses fils préférés.
N. Sarkozy n’est pas un “facho”. Pour J. Dray, c’est une caricature. Ce qui lui permet de se poser en victime, en martyr insulté. Le président met sur pied une démocratie plébiscitaire, loin des oripeaux totalitaires. Un point de vue discutable, peu discuté faute de volonté.

Le mal, ce sont les institutions de la Vème république où ils pensent tous qu’ils sont les sauveurs“. Un système pervers qui hypertrophie les égos (déjà volumineux). Que la gauche au pouvoir n’a pas voulu changer (1981 et 1997). Pour J. Dray, il faut rompre définitivement avec ce mode de fonctionnement, c’est une question de survie. La constitution met naturellement en exergue le moteur principal de la droite : le chef. Les progressistes ne pourront s’en sortir durablement qu’en rompant s’ils accèdent au pouvoir. Pour y parvenir, il se pose en éducateur du peuple, “Il faudrait un candidat qui se présente en disant qu’il supprimera l’élection au suffrage universel du président de la République“. Malgré le danger électoral, et quitte à perdre encore en 2012.

Presque à terre, la bête politique semble se livrer avec beaucoup de franchise. J. Dray parle de son avenir personnel et politique avec un étonnant détachement. Généreux dans l’emportement, avide de questions quel que soit son interlocuteur.
Les chiens sont lâchés, la machine journalistique est lancée. Jamais repue.
Quoi qu’il arrive, J. Dray est une figure de la gauche. Un politique avisé. Quoi qu’il arrive.

Vogelsong – 24 juillet 2009 – Paris

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