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La perspective Nevsky de Nicolas Gogol

Par Mango
La perspective Nevsky de Nicolas Gogol
La perspective Nevsky de Nicolas GogolAyant retrouvé leLibrio des Récits de Pétersbourgde Gogol, contenant :Le journal d’un fouetle Portrait, j’ai eu envie de relire la troisième nouvelle, celle que je préfère : La perspective Nevsky

Le titre évoque le centre du monde qu’était cette perspective, pour un russe de cette époque, (1835).

Saint-Pétersbourgétait alors la capitale de l’empire gouverné par Nicolas 1er, ce tsar despotique. C’était l’équivalent des Champs-Elysées, la grande avenue où toutes les classes de la société se retrouvaient au moins une fois par jour, pour voir et se faire voir. C’était le lieu des promenades et des rendez-vous, le grand théâtre urbain et mondain, symbole de tous les désirs, de toutes les tentations, de toutes les dépravations aussi. Pour Gogol, ce mystique, ce sera l’enfer sur terre où ledémon recrute ses proies.

« Il n’y a rien de plus beau que la perspective Nevsky, tout au moins à Pétersbourg ; et dans la vie de la capitale, elle joue un rôle unique !Que manque-t-il à la splendeur de cette reine des rues de notre capitale ? Je suis certain que nul de ses habitants blêmes et titrés n’accepteraient d’échanger la perspective Nevsky contre tous les biens de la terre. »

Ainsi débute le récit et le narrateur d’enchaîner sur la description des passants très différents selon l’heure de la journée. Chaque catégorie sociale a son heure de sortie. Le matin apparaissent les vieilles femmes, les mendiants, les moujiks. A midi sortent les précepteurs et leurs pupilles, anglais, français, de toutes les nations. « Bref, à cette heure de la journée, la perspective Nevsky est un lieu de promenade pédagogique »

L’après-midi, apparaissent les gens élégants, les pères, leurs épouses à leurs bras,« pâles et nerveuses, vêtues de robes multicolores et brillantes », les fonctionnaires « aux admirables moustaches auxquelles leur propriétaire consacre la meilleure partie de son existence. »

A trois heures, changement de décor : « une multitude de fonctionnaires en habits verts » envahit la perspective, marchant rapidement, la tête basse, « ils ne sont pas encore débarrassés de leurs préoccupations ». Puis l’avenue se vide et seuls passent furtivement, de temps en temps, quelque couturière, quelque garçon de recette, un vulgaire artisan…

« Seigneur ! Que de personnages originaux on rencontre perspective Nevsky. »

Mais tout change au crépuscule et la nuit venue ! Des ombres sortent des maisons et frôlent les murs ou se mettent à courir. Ce sont des jeunes gens célibataires ou les respectables vieillards de l’après-midi qui reviennent métamorphosés.

Après cette évocation des passants, le récit commence

Parmi les promeneurs du soir, nous allons suivre deux amis très différents, le lieutenant Pirogov, toujours très sûr de lui et le timide peintre Piskariov. Ils croisent deux jolies jeunes femmes et chacun se met à suivre celle qu’il préfère jusqu’à sa demeure. Le peintre tombe amoureux de la brune qui se révèle une prostituée, le militaire réussit à embrasser la blonde, une allemande mariée à un artisan mais il est surpris et battu par ce dernier. Furieux, le jeune lieutenant jure de se venger. Le destin de ces deux jeunes gens est ainsi scellé, l’un connaîtra une fin tragique, l’autre oubliera ce qui n’aura été qu’une petite aventure.

Le narrateur termine en mettant en garde son lecteur sur la nocivité de cette grande avenue !

« Tout n’est que mensonge ici, tout n’est que rêve, et la réalité est complètement différente des apparences qu’elle revêt.(…) Elle ment à chaque heure du jour et de la nuit, cette perspective Nevsky ; mais surtout lorsque les lourdes ténèbres descendent sur ses pavés (…) tandis que le démon lui-même allume sa lampe et éclaire hommes et choses, qui revêtent alors un aspect illusoire et trompeur. »

Telles sont les dernières phrases du récit.

Ainsi, cette perspective Nevsky, si brillante le jour, se révèle un cloaque la nuit, le lieu de toutes les illusions, un endroit infernal et maléfique, le lieu des sortilèges, du mensonge, de la folie. Gogol n’a jamais cessé de peindre un monde désespéré, où les personnages ressemblent à des marionnettes, en proie à leurs désirs, leurs rêves, leurs obsessions, leurs folies. Le démon ici est le grand manipulateur. Le conseil de Gogol est de marcher dans cette rue en baissant les yeux et en s’enveloppant dans son grand manteau pour ne rien voir et ne pas courir le risque de se laisser tenter par ce démon qui guette les coeurs faibles et les âmes malades.

La perspective Nevsky deNicolas Gogol ( Librio, Traduit du russe par Boris de Schloezer)


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