L’étranger, celui joué le matin au théâtre Pulsions (deux représentations du texte de Camus sont en effet proposées au sein du festival cette année), nous propose un pari risqué : affirmer l’œuvre clé d’Albert Camus par l’intermédiaire d’une seule personne.
Meursault a rarement été aussi pathétique. Pitoyable même, éteint et dépassé qu’il semble être dans les premières minutes de l’adaptation théâtrale. Son « Aujourd’hui maman est morte » sonne dans une absence complète, un détachement livide. Et puis, Meursault prend vie, ainsi que les personnages qu’il croise, tous plombés par le soleil d’Alger, et Meursault s’enfonce peu à peu dans le cercle vicieux, condamné pour un meurtre, condamné parce qu’il n’a pas pleuré lors de l’enterrement de sa mère.
Tout ce monde prend vie derrière le même visage, assisté d’un décor minimaliste : un costume, quatre chaises et un filet de sable en carré. Il n’en faut pas plus pour faire résonner le roman, jouer habilement avec l’espace et le décor pour suggérer des lieux, peindre un corps, détruire l’ordre banal des choses qui débute l’œuvre en matérialisant la condamnation de Meursault par quelques traînées ensablées.
Pendant une heure quarante, un seul acteur, un seul texte, et une sobriété plus qu’à propos pour traiter L’étranger, pour faire vibrer le texte en offrant une relecture où les détails, où la simplicité originelle de Camus trouve toute sa dimension et fait réaliser non plus seulement le brio d’un acteur mais la dimension poignante du texte initial qu’une première lecture ne dévoile pas toujours aussi intensément.