Une augmentation de loyer inattendue
Rien de bien extraordinaire jusque-là, le bail étant conclu pour neuf ans, on peut s'attendre tous les neufs ans à voir une augmentation de prix. Seulement voilà, le montant du loyer n'ayant jamais augmenté, il n'est pas en phase avec le marché, et la SGIM voudrait le remettre à niveau.
C'est donc une augmentation de six fois le montant de l'actuel loyer qui est envisagée soit 24 €/m²/mois (ou encore environ 150 000 € par an). La SGIM contactée par ActuaLitté, nous explique que le loyer actuel était vraiment « dérisoire » et que si la société n'augmentait pas celui-ci, elle pourrait « s'exposer à une accusation de mauvaise gestion ». Et cela sans compter que l'immeuble n'est pas en très bon état et que son entretien va engendrer des frais.
Une librairie qui n'est pas qu'une librairie
Et si le loyer n'a pas augmenté depuis 40 ans, c'est simplement que personne ne s'était vraiment penché sur la question auparavant. Martine Oppermann, la directrice de communication de la SGIM, nous détaille : « Nous avons tout à fait envie qu'il y ait une librairie c'est pas le problème ». Ce qui dérange un peu c'est que la librairie ne soit pas l'activité principale de JNF production. En effet, l'essentiel du chiffre d'affaires de la PME provient de la vente d'objets dérivés en rapport avec l'art (T-Shirt, agenda, cartes postales...). Et seulement un peu plus du sixième de la surface occupée par JNF est réservée à la librairie.
D'autre part, la proposition de loyer de 300 €/m²/an est bien en dessous des prix du marché dans ce quartier. JNF dispose d'un bail tous commerces or ce genre de bail ne se trouve pas à moins de 500 €/m²/an dans le quartier et pour les loyers de bureaux c'est encore pire c'est généralement plus de 600 €/m²/an.
Négociations et justice
Laurent Regeffe, le directeur général de JNF, nous a confié qu'un loyer tel qu'il est proposé actuellement ne pourrait pas être assumé par cette PME. C'est pourquoi JNF tente le tout pour le tout en envoyant le dossier devant le juge des loyers. Un expert devrait être mandaté pour estimer s'il y a bien un motif de déplafonnement du loyer ou non.
S'il y a bien un motif de déplafonnement, la décision aura un effet rétroactif sur 3 ans et selon Laurent Regeffe cela sera « synonyme de cessation d'activité pour JNF ». Pour lui cette histoire est comme « une épée de Damoclès » au-dessus de JNF. La PME garde quand même espoir, étant donné qu'elle respecte ses conditions locatives, elle espère bien que le juge conclura que le loyer doit rester plafonné.
Combat politique ?
D'autres encore se sont saisis de l'affaire, comme le maire du VIe arrondissement Jean-Pierre Lecoq (UMP) qui pointe les décisions « incohérentes » de la mairie de Paris. La SEMAEST, dont une des missions est de louer des locaux à petits prix aux librairies, aurait été contactée, mais là encore se pose le problème des activités diversifiées de la librairie.
La présidente du comité de pilotage de la SEMAEST, Lyne Cohen-Solal (PS) qui est aussi l'adjointe du maire de Paris, en charge du commerce et de l'artisanat, a déclaré au Parisien : « C'est un scandale que le loyer de cette librairie ne soit pas augmenté pendant toutes ces années. La ville ne peut pas brader son patrimoine ». Elle estime la proposition de loyer honnête. Si elle ne met pas de côté l'idée de transférer JNF à la SEMAEST, elle pense que la procédure pourrait être « extrêmement compliquée ».
Beaucoup d'organismes et de personnes se retrouvent impliqués dans cette affaire. Tous ont leurs propres enjeux, leurs raisons, leurs points de vue, et pour beaucoup justifiés. La seule chose que l'on peut espérer est de ne pas voir à nouveau une librairie disparaître pour une histoire de loyer, comme ce fût le cas pour la librairie Brentano's ou la Libreria francese à Milan (Italie) ou encore la Librairie de France qui était située à Manhattan (New-York, Etats-Unis).