Cet article a été écrit par Rémi GUILLET aujourd’hui retraité. Ingénieur de l’Ecole Centrale Nantes (ex ENSM promotion 1966) il est aussi Docteur en Mécanique et Energétique (Université H. Poincaré-Nancy 1-2002) et diplômé en Economie/Gestion (DEA Université Paris 13-2001).
Son activité professionnelle l’a amené à travailler essentiellement en recherche appliquée dans le domaine de la combustion. Il s’est fait notamment connaître pour ses travaux sur la « combustion humide », recevant un Prix « Montgolfier » des Arts chimiques en 2002 (Prix décerné par la Société d’Encouragement de l’Industrie Nationale).
Il a été en charge du secteur Energie/BTP au siège de OSEO entre 1995 et 1998…
Quand on parle d’énergie au niveau mondial on parle essentiellement des énergies fossiles, les autres formes d’énergie primaire restant aujourd’hui encore anecdotiques (moins de 5% !).
Avec la pratique du feu, l’énergie fossile s’est imposée aux hommes comme une évidence, d’abord sous forme solide (le charbon), puis liquide (le pétrole) enfin sous forme gazeuse (le gaz naturel). Sa présence un peu partout sur la planète, son apparente « abondance », sa relative facilité d’utilisation, auront fait de l’énergie fossile le fondement de la croissance économique du XIXème et surtout de celle, extraordinaire, qu’aura connue la deuxième moitié du XXème siècle.
Et la volonté d’optimiser l’utilisation de chacune de ces « formes » (phases diraient les physiciens) aura engendré des innovations et autres avancées technologiques souvent géniales (machine à vapeur, moteurs thermiques…) dont certaines auront été boostées par les conflits majeurs qu’a connus le XXème siècle…
La place des énergies fossiles dans le monde entre 1980 et 2005 : 96%
A fin d’évaluation de ces pourcentages en grandeurs énergétiques, on notera que l’ensemble de la consommation mondiale d’énergie (hors bois) a été estimée à 10 giga tonnes équivalent pétrole (Gtep) en l’an 2000.
Mais le premier objet de cet article est de souligner la quasi parfaite corrélation entre la croissance (du PIB), la consommation d’énergie (donc essentiellement d’énergie fossile) et les émissions de gaz à effet de serre (GES) : ce que montre la figure qui suit ( du moins pour les pays de l’OCDE)… afin d’en déduire quelque enseignement pour les années à venir.
On pourra également repérer sur cette figure les diminutions temporaires des trois indicateurs à la suite des 3 chocs pétroliers (1973, 1979, 2000)…
Enfin on pourra aussi y noter que pour un point supplémentaire de croissance économique, on consomme environ 0,5 point en plus en énergie primaire, tandis que les émissions de gaz à effet de serre (CO2, eau, N0x, méthane…) augmentent de 0,3 point.
Pour les lecteurs souhaitant apprécier la corrélation, il leur suffit de reporter, sur deux axes -par exemple le PIB en abscisse et GES, énergie consommée, en ordonnée, les trois points concernant chaque année, pour voir apparaître deux ensembles de points quasiment parfaitement alignés (voire un seul alignement si on choisit les échelles à cette fin).
Ces corrélations étant observées, il suffit donc de s’intéresser à l’évolution d’une seule de ces données pour connaître celle de toutes. Alors, nous avons choisi de mettre l’accent sur le versant noir de l’extraordinaire développement économique que nous venons de connaître en suivant sur une plus longue période l’évolution de la teneur de l’atmosphère en GES ou plus exactement et par commodité métrologique celle du CO2 atmosphérique, indicateur habituel des GES (on estime que le seul CO2 est responsable de 55% à 60% de l'effet de serre dû à l'activité humaine)…
Alors la figure ci-dessous fait clairement apparaître le passage d’une croissance linéaire à une croissance d’allure exponentielle à la fin des années 50 !
Une anecdote pour dire que les années 80 devaient nous donner l’occasion de conférences sur les techniques d’utilisation des hydrocarbures les plus performantes mais aussi sur le « devenir du secteur pétrolier» devant un public anxieux de la ressource après les deux premiers « chocs »… tenant des propos jugés « incongrus » par la plupart des auditeurs lorsque nous soulignions que la crise de la ressource pétrolière serait devancée par la crise environnementale provoquée par l’utilisation intensive des combustibles fossiles ( il suffisait de comparer la dynamique d’évolution des émissions de CO2 avec ce qu’elles étaient au moment où la teneur atmosphérique pouvait être considérée comme stabilisée… pour avoir une idée de ce qu’il allait advenir !)… Mais l‘attention de l’auditoire était le plus souvent ailleurs!
L’utilisation des énergies fossiles dans le monde…
Un examen plus attentif nous enseigne qu’en réalité environ 95% de la matière « énergétique » fossile est transformée en énergie, le reste ayant également un rôle très important sur la croissance et le développement économique car à la base d’une industrie de transformation « pétrochimique » aux multiples faciès et souvent à forte valeur ajoutée : plasturgie, composites et autres dérivés de la polymérisation du naphta extrait du pétrole… allant jusqu’aux goudrons ultimes pour nos routes. Ainsi, une personne née après 1980 a vécu quasiment exclusivement dans un environnement domestique fait de plastique sous toutes ses formes !
Mais parmi les différentes formes prises par l’énergie fossile, le pétrole est indéniablement la forme la plus recherchée encore aujourd’hui, pour sa forme liquide, sa stabilité dans les conditions atmosphériques normales de pression et de température, pour sa densité énergétique (énergie par unité de volume et de poids), la « stockabilité » ou capacité à être embarqués des carburants qu’on en extrait. Le pétrole est par excellence l’énergie des transports terrestres, maritimes et plus encore aériens, couvrant à hauteur de 95% les besoins en énergie du transport mondial ! (Ce qui correspond également à 52% de la consommation totale de pétrole et à 23% de la consommation énergétique totale mondiale).
Pour appuyer notre propos et l’importance stratégique du pétrole, on rappellera que, jusqu’au milieu des années 50, trouver un gisement de gaz naturel en lieu et place du pétrole recherché était une malédiction… et il n’y avait plus qu’à brûler le gaz maudit à la torchère ! (La France a été le premier pays d’Europe à valoriser le gaz naturel avec le gisement de Lacq dont l’exploitation a commencé à cette époque)
Les usages du pétrole dans le monde (selon données 1999 de l’observatoire de l’énergie)
Transport terrestre 41%
Industrie 16%
Production électricité et Raffinage 15%
Résidentiel Tertiaire 9%
Transport aérien 6%
Transport maritime 5%
Application non énergétique Agriculture 3%
L’état des réserves d’énergie fossile…
L’énergie fossile consommée ne se renouvelle pas (du moins à notre échelle de temps), il s’agit d’un stock, à considérer comme une aubaine offerte par la nature… Un stock où on a puisé (et on continue de le faire !) sans compter ! Et puisque tout réservoir a un fond, ce stock s’épuise et certains aujourd’hui sont devenus anxieux de connaître le moment où le puits va se tarir, le moment où l’exploitation de la manne va amorcer son déclin, le moment du peak - oil. En fait, si la question fait débat entre experts, tous pensent que les enfants qui naissent aujourd’hui vivront, à l’âge adulte, ce moment… puis la pénurie et tout ce que cela pourra induire de tensions de différentes natures et notamment géopolitiques… Donc fondamentalement, le peak-oil dans 15 ans ou 30 ans ne change rien au problème, ni pour notre génération, ni pour les suivantes !
Mais, selon notre point de vue, et peut-être heureusement, la contrainte écologique doit raisonnablement nous obliger à des « changements de cap » qui affecteront en particulier notre engouement pour le pétrole bien avant le peak – oil… (ou autre peak-gas et peak-coal annoncés pour plus tard)
Quelques indications sur les stocks et leur possible évolution (indications recueillies sur le site Manicore-Jancovici)….
Le « haut » de la fourchette des réserves mondiales ultimes de combustibles fossiles représentait, fin 2005, de l'ordre de 4 000 Gtep (4 000 milliards de tonnes équivalent-pétrole), répartis comme suit :
- A peu près 800 de Gtep de réserves « prouvées »,
- soit environ 9 Gtep d’énergie fossile par an
**par exemple schistes bitumineux et autres bitumes naturels
- On pouvait y ajouter 3 000 Gtep de réserves dites « additionnelles » : ces réserves se composent de la fraction extractible de tous les hydrocarbures contenus dans des réservoirs à confirmer (à « découvrir »), ainsi que dans les réservoirs déjà découverts et qui seront mis en exploitation quand la technique aura progressé...)
A propos des autres sources énergétiques, aujourd’hui 4% du total… (demain la couverture de la quasi-totalité de nos besoins énergétiques !)
L’électricité nucléaire…
On parle rarement des réserves d’uranium : 100 ans ou … 1000 ans ?
Selon la Société Française de l’Energie Nucléaire : « … utilisée dans les réacteurs actuels, la ressource uranium est, à l'instar de la ressource pétrolière telle qu'elle est appréciée aujourd'hui, à l'échelle du siècle. Par contre, grâce aux réacteurs à neutrons rapides, elle pourrait couvrir nos besoins à l'échelle de plusieurs millénaires… ».
Quid des « renouvelables »
Hormis la production d’eau chaude résidentielle et le chauffage de locaux (via les panneaux solaires, les pompes à chaleur, la géothermie…), les énergies renouvelables sont principalement destinées à produire de l’électricité… une électricité souvent coûteuse !
/ val. bas. de la bF = par rapport à la valeur la plus basse des « bas de fourchettes » /val. bas. de la hF = par rapport à la valeur la plus basse des « hauts de fourchettes » Les fourchettes souvent très ouvertes s’expliquent par la variété des sites, des coûts des infrastructures (réalisation et exploitation). - L’hydraulique
Les meilleurs sites pour l’hydraulique traditionnelle (barrages) sont aujourd’hui exploités. Parmi les grandes inconnues d’aujourd’hui, on évoquera l’incertitude sur les évolutions climatiques et leurs conséquences sur l’hydrologie, la capacité à obtenir l’acceptation (démocratique) de la destruction de nouveaux sites naturels à cette fin !
Restent alors le micro hydraulique ou le turbinage au fil de l’eau…
- Le photovoltaïque
Cette technique de production d’électricité est de 12 à 36 fois plus cher que l’hydraulique traditionnel ou le nucléaire. Elle nécessite une grande emprise au sol. Son application pose le problème du stockage de l’électricité…
Alors, de grands espoirs s’appuient sur la technologie des batteries au lithium. Par le biais des batteries, voiture électrique et photovoltaïque ont donc des destins liés… avec les mêmes tensions à propos de l’approvisionnement en lithium (en quantité limitée et mal répartie : Bolivie, Tibet…).
- L’éolien et « l’hydraulien »
Dans ce cas, la production d’électricité est de 2,5 à 3,7 fois plus cher que l’électricité hydraulique ou nucléaire. Par ailleurs, on commence à appréhender les nuisances acoustiques des éoliennes terrestres. Dans le cas de la technologie immergée des hydrauliennes, il est très probable que les écosystèmes marins locaux seront perturbés.
Donc deux technologies à suivre…
- La biomasse
Même si le bois n’est pas la seule ressource « biomasse », les arbres et autres forêts représentent un double enjeu. Source d’énergie (et de matériaux de construction), ils constituent aussi « le puits carbone terrestre », après les océans*. Alors il est important de se rappeler qu’un arbre adulte abattu ne sera remplacé du point de vue de sa capacité de photosynthèse et donc d’absorption de CO2 qu’après plusieurs décennies. Et cette remarque prend la plus grande importance quand on nous dit que nous n’avons plus que 15 ans pour réagir et ainsi limiter le réchauffement climatique à quelques degrés (on n’est peu précis sur le nombre !).
Alors, être raisonnable ne supposerait-il pas que, dès aujourd’hui, il y ait un moratoire mondial d’au moins 15 ans sur la déforestation ?
* Bien que leur réchauffement contrarie cette augmentation, les océans voient leur acidité augmenter avec la teneur atmosphérique en CO2 induisant un risque important pour le développement du plancton et in fine sur l’ensemble de la chaîne du vivant.
- Les biocarburants
Les biocarburants sont également coûteux à produire. Pour les lancer (les rendre compétitifs), de nombreux Etats sont prêts à les détaxer (voir plus loin le développement sur les taxes, alors on aura une idée du coût moyen de leur production !). Par ailleurs, et pour certaines régions du monde et certaines « filières », le bilan carbone de « l’opération biocarburant » est très controversé ! Mais l’actualité récurrente sur ce thème nous rappelle l’enjeu le plus fondamental du biocarburant : avec lui et après le « Boire ou Conduire » l’heure est venue au « Manger ou Conduire ! ».
En réalité, pour son application comme carburant, la filière de substitution au pétrole reste à trouver. Ainsi, on se tourne maintenant vers les (micro) algues… et « l’algocarburant » inaugure (déjà !) la troisième génération de biocarburant… Il y a là un enjeu stratégique de la plus haute importance.
- Autres « futuribles » : les hydrates de méthane…
Les hydrates de méthane sont moins médiatisés. Cependant, déjà vers l’an 2000 on s’entendait dire à l’Institut Californien d’Océanographie Scripps (La Jolla) qu’il y avait 3000 ans de réserves d’hydrates de méthane dans les grandes profondeurs sous - marines (il s’agit de 6 à 7 molécules d’eau qui, dans les conditions de température et de pression régnantes, piègent une molécules de méthane).
Cette information se retrouve aujourd’hui par exemple sur le site « médiathèque de la mer » :
« …Sur notre planète, les fonds marins et pergélisols contiendraient quelque 10 000 milliards de tonnes d'hydrates de méthane, soit deux fois les réserves de pétrole, gaz naturel et charbon confondus. Comme ces réserves sont dispersées dans les sédiments, elles ne peuvent pas être extraites par forage conventionnel, et des techniques d'exploitation et d'acheminement doivent être développées. On estime que la quantité de cette ressource dans la mer autour du seul Japon équivaut à 100 années de consommation nationale de gaz naturel … ».
Alors, nous ajouterons : Pourquoi ne pas imaginer, plutôt qu’ « extraire », « consommer » ces hydrates de méthane, in situ, par des robots produisant de l’électricité sur place tandis que l’O2 serait également prélevé sur place éventuellement depuis l’atmosphère, le CO2 rejeté aux mêmes profondeurs dissous par l’eau de mer puis retransformé par photosynthèse par la flore aquatique… ayant ainsi peu de chance de rejoindre l’atmosphère !
Les taxes sur les carburants
Traditionnellement, le business des carburants constitue une aubaine pour les gouvernements qui y trouvent une importante recette budgétaire et un levier stratégique leur permettant de soutenir ou au contraire de contraindre davantage telle ou telle activité…
Les exceptions !
Mais pendant ce temps on en est toujours à la convention de Chicago qui après la seconde guerre mondiale et afin de développer le transport aérien a interdit la taxation du kérosène (disposition à méditer quand on connaît la consommation des aéronefs par kg transporté : 10 fois plus que le train !) D’autres secteurs d’activités sont également concernés par des détaxes, conjoncturelles, partielles etc… C’est par exemple le cas de la pêche, de l’agriculture, des taxis….
Il est aussi fait appel à la détaxe pour lancer le développement de telle ou telle filière de production de substituts au pétrole : huile végétale, éthanol…
L’enjeu de la taxe « carbone »
La taxe carbone (ou taxe CO2) est, dans son concept, et avec d’autres « écotaxes », une taxe destinée à couvrir les frais induits par les nuisances du CO2 et, dans le même temps, à favoriser les options pour les énergies alternatives renouvelables.
Ainsi, la décision de mettre en œuvre la taxe carbone devient aujourd’hui un enjeu planétaire dans la mesure où elle peut avoir un impact sur l’évolution de l’effet de serre dont on constate que l’ensemble des conséquences, s’appuyant les unes sur les autres, engendre un dérèglement climatique qui s’accélère (dépassant de beaucoup les prévisions les plus pessimistes faites il y moins de 10 ans !).
Pour le transport terrestre, on comprendra que la taxe carbone pourrait être « récoltée » aux différents passages douaniers et ainsi servir de régulateur aux échanges internationaux, donc au bout du compte, pourrait avoir un double impact : direct, écologique –sa première raison d’être- mais aussi social, avec ses répercussions indirectes sur les délocalisations et autres transports de marchandises…
Croissance et énergie : l’aspect dynamique
L’évaluation des années de consommation « restantes » vue plus haut a été faite sur la base de la consommation 2005. Mais nous ne pouvons ignorer plus longtemps l’émergence de nouvelles puissances économiques (Chine, Inde, Brésil…), avec une croissance à deux chiffres depuis une dizaine d’années pour ce qui concerne la Chine (même si aujourd’hui la conjoncture touche ce pays comme les autres, ses velléités sont intactes !).
Au dessus : l'augmentation de la consommation de pétrole dans différentes régions du monde entre 1965 et 2003 (source: bp).
Au dessous : on observe que la consommation de pétrole de la Chine a été multipliée par 11 en 38 ans ! (source : bp).
Et maintenant… qu’allons-nous faire ?
Bien sûr, vouloir faire mieux, inscrire notre démarche individuelle et collective dans le sens de ce que nous croyons être notre « mieux-être » perdurera : c’est un défi spécifique à l’intelligence, à la nature humaine !
Mais ne plus appuyer nos choix stratégiques sur l’existence de la manne des énergies fossiles gracieusement offerte par Dame Nature est devenu un impératif environnemental… qui nous contraint, dès aujourd’hui, à aller vers un autre modèle de développement (1).
Probablement contraint par les circonstances plus que par choix délibéré nous devrons de plus en plus produire l’énergie dont nous aurons besoin pour relever nos défis ou plus précisément nous devrons investir, construire, exploiter des infrastructures ayant à produire une énergie réputée « propre »… en lieu et place d’une énergie préexistante, longtemps offerte… et à profusion.
Mais cette « conversion » ne sera pas gratuite au sens économique : une nouvelle « charge » figurera au bilan de nos activités… Pour les adeptes du profit, celui-ci sera -toutes choses égales par ailleurs- amoindri d’autant, la production de richesses capitalistiques réduite d’autant… En toute probabilité, cette conversion sera d’autant moins facile à accepter qu’elle engendrera une croissance appréciée comme (très ?) modérée par rapport à ce qui a été observé à la fin du siècle passé.
Ce faisant, des interrogations nouvelles quant au réel intérêt d’échanges mondialisés à propos de tout (par exemple à propos du yaourt qui parcourt 9000 kms avant d’arriver dans notre assiette !) vont apparaître !
Cette conversion aura cependant son versant ensoleillé : compte tenu de ce que vont devenir les coûts du transport, beaucoup moins de délocalisation seront à craindre, les vertus de proximité entre production et consommation seront redorées ! « Manufacturer » une part importante de l’énergie dont nous aurons besoin devrait (normalement) constituer un nouveau et bienvenu gisement d’emplois !
Au final, la question qui nous semble aujourd’hui être la plus pertinente concerne les modalités du « passage » du modèle actuel au modèle suivant… Ce dernier devant intégrer la rareté là où il y avait abondance, donc beaucoup plus économe, en eau, en énergie…, devant engendrer et répondre à des défis radicalement nouveaux. Ce ne sera pas le fait de couper l’eau la durée du brossage des dents, l’extinction de tous les feux … quand on dort ! qui suffiront : si c’est mieux que rien, nous craignons que ces « petits gestes » nous donnent bonne conscience et en cela l’endorme !
Les discours politiques nous enjoignent de rejoindre le business du « développement durable »… Mais il s’agit d’un business comme un autre dans la mesure où on y adjoint le même défi de rentabilité, de profitabilité, avec les mêmes difficultés à réussir… dans un contexte de mondialisation, de délocalisation, d’iniquité (que penser de panneaux solaires made in China et installés en Provence ?)…
Plus généralement, les discours officiels sur le «changement climatique » restent plutôt rassurants (peuvent-ils être autres ?) Nous aurions encore 15 ans pour réagir dit-on ! Mais cela fait déjà au moins 10 ans qu’on le dit : c’est comme l’horizon qui avance comme nous marchons ! Alors, faut-il attendre encore 15 ans pour envisager quelque changement d’importance !
Non ! Il faut prendre le problème à bras le corps … et partout, dès aujourd’hui ! Donc trouver une formulation ou un encadrement aux enjeux économiques pour que le monde s’inscrive « naturellement » dans « l’après pétrole ». Pour être plus explicite, nous allons changer notre propre formulation pour déclarer qu’il nous faut désormais remplacer le « défi économique traditionnel » par un « défi sociétal », marquant ainsi notre volonté d’aller vers un modèle de développement plus humaniste, plus équitable, visant un meilleur partage dans l’espace et dans le temps, au sein d’une même génération, avec les générations suivantes, marquant notre volonté de respecter le patrimoine naturel… Cela, redisons-le, dès maintenant ! Alors on ne peut que se tourner vers les responsables politiques… qui doivent intervenir avec beaucoup de détermination, et ensemble, pour « changer le cap » dans l’urgence. La crise peut les y aider !
Si on réagit vite, on aura évité le pire des chaos environnementaux, on aura eu la sagesse d’en garder un peu de cette manne d’énergie fossile pour les générations qui suivront… Et ce sera bien pour elles, car nous devons savoir que pour certains usages, l’énergie fossile et plus particulièrement le pétrole n’auront pratiquement pas de substituts économiquement viables pendant encore très longtemps !
Alors, après la question que posait G. Bécaud (le titre de ce dernier développement), on pourra méditer sur diverses interprétations du texte de G. Brassens quand il chantait…« Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente / D’accord, mais de mort lente ! »
Puisque notre propos voulait être une « brève synthèse », alors on retiendra de ce texte – plus long qu’initialement pensé ! - qu’avec la matière énergétique fossile nous avons eu le meilleur, mais à vouloir trop jouer avec le feu… nous avons préparé le pire ! A nous de jouer différemment, dès maintenant et dans l’urgence, pour montrer notre capacité à mieux maîtriser la suite de notre saga avec l’énergie.
(1) On pourra consulter l’article de Rémi Guillet « Plaidoyer pour une autre croissance » sur le site des éditions l’Harmattan