Bon, c'est l'été, on a tous un peu tendance à porter moins de vêtements que sur cette photo. Mais là c'est un peu différent. La très officielle et très médicale American Medical Association vient de voter une proposition ... pour l'abolition de la blouse blanche.
Non non, ce n'est pas une plaisanterie. En plus ils se tâtent et rien n'est encore définitif. Mais en fait, le vénérable survêtement médical n'a pas que des avantages. Les médecins écossais l'ont d'ailleurs déjà mis au placard.
Premier inconvénient incriminé: les manches. Une des activités quotidiennes les plus importantes des soignants est de se laver les mains. Mais vous avez vu tout ce tissu sur les poignets? Ça brosse, ça touche à tout, et ça empêche de se laver les mains correctement. Techniquement, il faudrait aussi enlever la cravate aux Messieurs: impossible de la garder vraiment disciplinée. Plein de choses sur cette photo qui risquent un jour de sérieusement la dater...
Que sacrifierait-on avec 'la blouse'? La réponse n'est pas si évidente. Elle 'fait sérieux', d'accord. On se dit qu'un habillement plutôt conservateur a plus souvent tendance à inspirer confiance. Et c'est un de ses buts. Mais en fait il semble que la plupart des personnes préfèrent...ce que porte leur propre médecin. Ceux dont le médecin ne porte pas le blanc, donc, ne s'en offusquent apparemment pas.
On perdrait certainement du symbole. Dans certaines universités américaines, la blouse blanche est remise aux étudiants en médecine lors d'une cérémonie rien que pour ça, extrêmement formelle. Mais ils sont parfois tellement fiers ensuite qu'ils vont boire leur café en blouse blanche dans le quartier d'à côté: et là je vous promet que le symbole en prend un coup.
Et tant mieux, en fait. Car porter l'uniforme ne sert-il pas d'abord à ériger des barrières? Si un médecin est utile d'abord par ses connaissances, par son expérience, se mettre dans une posture susceptible d'en rendre la communication plus difficile est à double tranchant.
Bon, OK, les jeunes médecins devraient peut-être travailler un peu plus dur pour être respectés par leurs patients âgés: pas toujours facile d'écouter sérieusement l'avis de quelqu'un qui pourrait être votre petit-fils ou votre petite-fille. Mais avec ou sans blouse cette difficulté va demeurer. Et comme on dit, pour les jeunes collègues concernés c'est un problème que le temps résout tout seul.
On perdrait des poches. On ne rit pas, c'est très important. Dingue ce qu'on peut y mettre.
On perdrait des difficultés, aussi. Les enfants qui ont peur de vous, dont les parents les ont peut-être (malheureusement ça existe) menacés de piqures s'ils n'étaient pas sages. Ceux-là auront moins peur, et leurs visites médicales se passeront mieux. J'ai testé, en pédiatrie, les deux systèmes, et la sérénité du contact en civil a une valeur indéniable.
C'est que le symbole n'est pas sans mélange. On risque de transmettre plus de germes en blouse à manches longues, mais on transmet certainement aussi des attentes. Bonnes souvent, mais pas toujours. Enlever la blouse ne permettrait d'éradiquer ni les un ni les autres. Ça n'épargnerait pas l'effort de se laver les mains. Ni celui d'être compréhensible, d'écouter. Mais ce serait un pas intéressant. Beaucoup de collègues le franchissent à l'ouverture de leur cabinet. Les hôpitaux quant à eux, ménageront sans doute la chèvre et le choux: en coupant les manches plutôt que d'abolir la blouse. Certains, d'ailleurs, l'ont déjà fait...