Michel Rocard est un homme intelligent. Il le sait. Nicolas Sarkozy le sait. Et nous le savons aussi. Conscient de sa valeur l’ancien premier ministre officiellement retraité de la politique s’est fait un plaisir à répondre aux sollicitations du Chef de l’Etat sur quelques dossiers particuliers. Histoire de faire un pied de nez à un PS qu’il accuse de l’avoir toujours sous-employé. Mais Michel Rocard n’est pas du genre à se laisser docilement instrumentaliser. Interrogé sur la taxe carbone l’ancien Premier secrétaire éphémère du PS n’a pas manqué de revenir sur la politique fiscale du gouvernement et notamment le bouclier fiscal qualifié de “faute absolument majeure” et de “grand scandale“.
Il est comme ça notre Tintin de la politique : insaisissable et parfois incompréhensible. Allez donc comprendre quel moucheron égaré a piqué l’ex-figure de proue de la deuxième gauche pour qu’il glisse de son poste d’ambassadeur des Pôles à celui de président d’une commission chargée de réfléchirà l’instauration d’une taxe carbone.
Un dispositif complexe pudiquement rebaptisée Contribution Climat Énergie. Une nouvelle taxe qui n’en serait pas une, que les particuliers vont acquitter mais que l’Etat va leur rembourser… hmm on a connu plus clair.
Malin comme un singe, Nicolas Sarkozy qui se refuse à augmenter les impôts n’a pas eu à trop insister pour trouver une personnalité de gauche pour porter la paternité d’une nouveau prélévement, forcément impopulaire.
Si le sujet est abondamment commenté dans les médias, le court passage où Michel Rocard tire à boulet rouge sur le bouclier fiscal , le cœur de la politique de Nicolas Sarkozy, est étonnamment peu repris. La taxe carbone sous-tend la question de la justice fiscale . Or, sur ce sujet, Michel Rocard est cette fois très compréhensible : “je considère que la réforme fiscale, le bouclier fiscal par lequel le président et le gouvernement ont inauguré le mandat est une catastrophe parce que ça va dans le sens d’une riposte contraire à la crise“.
Et pour confirmer sa pensée, l’ancien premier ministre a lourdement insisté : “le gouvernement commence à comprendre qu’il a fait là une faute absolument majeure (…)”. “Le facteur mauvaise distribution des revenus est un des éléments de cette crise. Le bouclier fiscal était à cet égard un grand scandale“.
Pas complètement gâteux, notre Rocky prend d’une certaine façon Nicolas Sarkozy à son propre piège. Le Président s’est engagé à ce que la nouvelle taxe soit instaurée à prélèvement fiscal inchangé . Michel Rocard saisit donc la balle au bond en défendant le fait que la Contribution Energie Climat doit permettre d’amorcer une réorganisation des prélèvements obligatoires.
Comment en effet défendre la notion de bouclier fiscal quand l’OCDE souligne l’accentuation des inégalités dans les pays riches et où les classes les plus aisées sont aussi celles qui émettent le plus de CO². Sans apporter de réponses, Michel Rocard pose une bonne question.
Aujourd’hui, la fiscalité sur l’environnement représente 3,8% du PIB. Soit dix fois moins que la fiscalité pesant sur le travail. Dans le même temps, les économistes s’accordent à reconnaître que la progressivité de l’impôt sur le revenu est l’outil le plus adapté pour lutter contre les inégalités . Une vérité incompatible avec le bouclier fiscal.