Magazine Journal intime

Vis ma vie d'EIP

Par Ekilio

Après avoir vu rapidement les principe "psychologique" qui régissent la définition des EIP, et être passé rapidement sur ce qu'ils impliquent en théorie, je vous propose une autre vision des EIP, en espérant que cela puisse peut-être aider les parents qui se poseraient des questions après le diagnostique comme EIP de leur enfant. Je vais tenter de vous raconter ma vie en tant qu'EIP, et ce que cela a impliqué pour moi. Si d'autres EIP veulent réagir, qu'ils n'hésitent pas à parler de leur enfance, cela donnera un aperçu de ce que c'était réellement, pour nous, loin des discours théoriques des psy. Je vais tenter autant que je le peux de me cantonner à la période enfance et adolescence, sans parler de la partie "adulte" de la chose.

Ce n'est jamais facile d'analyser avec franchise ses propres sentiments et ses propres actes, alors qu'on a plusieurs années de plus et qu'on ne peut se fier qu'à nos souvenirs pour les retracer. Je me souviens des cours, lorsque j'étais encore au primaire. Je ne me rappelle pas avoir eu de difficultés, particulièrement avant mon passage de classe... Au contraire, tout était très facile, presque évident. Les réponses à apporter étaient on ne peux plus simples ; je "comprenais" les choses. Par exemple, les multiplications : je me rappelle de longues disputes avec ma mère, avant de sortir de la maison, pour me faire réciter une table que je ne connaissais toujours pas par cœur. Je n'ai jamais eu de problèmes avec les multiplications, j'ai très bien compris ce qu'elles voulaient dire... mais je refusaient de les apprendre par cœur. Apprendre par cœur, c'était accepter un état de fait ; alors que je pouvais "comprendre" les multiplications et leur utilisation, et ensuite, quel besoin de les apprendre vu que je comprenais ce qu'elles faisaient ?

La précocité amène souvent un déséquilibre émotionnel. C'est un fait cliniquement constaté ; pour ma part, il ne m'a pas vraiment dérangé lorsque j'étais à l'école. Bien sûr, lorsque j'ai sauté une classe, j'ai perdu mes amis, mais je les voyaient encore lors des récréations ; et puis, quoi qu'il en soit, je n'étais pas dans un environnement inconnu et donc je n'ai pas eu trop de mal à m'en faire de nouveaux. Les choses sérieuses, en fait, ont commencées à mon arrivé au collège. Je ne connaissais plus personne, car je passais d'une école privée à un collège public. A ce moment-là, je me passionnais pour la lecture ; je lisais tout le temps, de mon réveil à mon coucher, en passant par le repas de midi (je lisais en mangeant et en faisant la queue), les cours (je cachais les livres derrière les cahiers que je posais à cheval entre la table et mes genoux) et même sur le trajet : c'est à cette époque où j'ai appris comment lire dans la rue tout en gardant un oeuil sur ce qui se passe autour. Bien sûr, mes passes-temps étaient totalement différents de ceux des autres élèves ; a vrai dire, je n'ai jamais vraiment compris ce qu'ils aimaient. Au début de ma période de collège, j'avais aussi une propension croissante à regarder la télévision, vite censurée par une interdiction de mes parents. J'ai toujours été très sensible à toutes ces choses ; mes rédactions et mes histoires se peuplaient de monstres féroces, de sang et de violence. La privation de télévision, bien sûr, ne m'a pas fait plaisir, mais je pense qu'elle m'a été bénéfique.

Les livres étaient donc mes compagnons de tous les jours, les autres élèves n'étant pas dans la même optique que moi. En revanche, patient, bien élevé par mes parents, et généralement serviable, j'ai toujours eu beaucoup de facilité et de plaisir à me mêler aux adultes. Je me souviendrais probablement toute ma vie de mes cours d'histoire-géographie, en quatrième, que je terminais toujours par une longue discussion avec mon professeur, à tel point qu'il avait inscrit dans son agenda, après notre cours, une case "Discussion" de vingt minutes ! J'avais une façon de raisonner et d'appréhender les choses différentes de celle des autres, parce que comme pour les multiplications, je les comprenaient. L'histoire, après tout, n'est pas qu'une suite de date, même si c'est sur ce point que nous sommes notés ; c'est avant tout une explication logique, un enchainement de faits compréhensibles et explicable avec un peu de psychologie. Croyez-moi, si vous voulez faire aimer l'histoire à quelqu'un, faites abstraction des dates quelques minutes et expliquez-lui pourquoi les choses se passent et plus uniquement quand elles se sont passées : ça change totalement le regard sur la matière.

Qu'on ne s'y trompe pas, en lisant tout ceci, on pourrait croire que j'étais malheureux : il n'en est rien. J'étais content de cet état de fait, j'avais des gens - des adultes qui plus est - avec qui discuter, et discuter de façon très intéressante ; je me voyais - et me vois encore, en fait - comme un enfant, et la possibilité de discuter, d'argumenter et de débattre avec un adulte me remplissais de joie. Je ne sais pas comment l'expliquer autrement que comme ceci : lorsque je débattais ainsi, je n'était plus simplement un enfant passif, qui écoutait ce qu'on lui disait, je devenais un interlocuteur à égalité avec l'adulte, capable de suivre mes propres raisonnements et d'apporter ma propre lumière sur certaines choses. C'était une démarche purement intellectuelle et j'y étais associé ; j'adorais ça.

Malgré tout, mes notes restaient relativement moyennes, voir mauvaises. La raison en était double. D'abord, je n'avais jamais été habitué à travailler : lorsque j'étais au primaire, je pouvais réussir tout ce que j'avais à faire en cours simplement en le comprenant, il ne m'était jamais indispensable de l'apprendre. Ensuite, et surtout, je restais et reste toujours dans cette logique de compréhension, et donc ne voyais pas l'intérêt de choses qui sont au fond accessoires, les dates par exemple. Après tout, voyons les choses en face : est-il plus important de savoir que l'assassinat de l'archiduc françois-ferdinand à eu lieu le 28 juin 1914, mais d'ignorer totalement pourquoi il a été tué et pourquoi ça a déclencher la première guerre mondiale, ou de savoir que ça a eu lieu en 1914, qu'il a été tué car la Bosnie avait été envahie auparavant par l'autriche-hongrie et que les Serbes refusaient, et qu'en plus la visite avait eu lieu un jour de fête religieuse Serbe qui avait été repris à son compte par l'Archiduc, et que les Serbes voyaient donc dans cette visite une provocation ; et que, lorsque l'autriche appris, en grande partie par hasard, que les armes avaient été fournies par la Serbie aux assassins, elle imposa un ultimatum irréalisable à la Serbie, qui le refusa, ce qui amena l'autriche à envahir la Serbie et du fait des différences alliances, la première guerre mondiale ?

Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit : certains élèves de ma classe situaient le paléolithique en 1948, et c'est évidemment n'importe quoi. Il faut connaitre, selon moi, l'époque approximative des choses, mais leur date au jour près... Quelle importance ? Bref, à cause de considérations de ce genre, et bien que je comprenais parfaitement la logique derrière les choses dans la plupart des matières, je n'ai jamais été très bon. Et à coté de ça, je restais éloigné des autres élèves, au collège comme au lycée, pour la simple raison que mes passions étaient liés à mon imaginaire, et à mon refus d'accepter que tout se limitais à mes livres de cours... Je rêvais d'astrophysique pour découvrir l'univers, d'informatique nouvelle et ultra-performante qui ouvrirait la voie aux robots, d'elfes, de fées, de lutins et de mondes imaginaires qui rendraient la vie différente du simple train-train. Je n'ai jamais voulu limiter mon imagination, et cela m'éloignais de la plupart des autres élèves, qui bien sûr rêvaient aussi, mais de choses plus... terre à terre.

Ce sont les principales choses qui me reviennent à l'esprit en pensant à cette période. J'en oublie surement ; n'hésitez pas à les compléter si vous avez vécu tout ça, ce serait avec plaisir ! Et n'hésitez pas à demander si vous vous posez des questions, je ne suis bien sûr pas un expert mais... je comprends comment je fonctionne, en partie

:-)


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