Déçue par le dénouement fantastique de La femme du cinquième, j'attendais avec impatience le dernier Douglas Kennedy, Quitter le monde, l'histoire de Jane dont la vie va basculer à 13 ans après avoir déclaré à ses parents qu'elle ne se marierait jamais et n'aurait pas d'enfant, avec en filigrane toujours la même question "est-on maître de son destin?".
Le roman réunit tous les ingrédients pour nous tenir en haleine : blessures intimes, abandon, mauvais coups du sort (avec une thématique chère à l'auteur, celle de l'ascension suivie de la chute ), intrigue haletante....on a du mal à refermer sagement le livre pour rejoindre Morphée. Douglas Kennedy passe également au crible la société américaine et ses valeurs, le monde universitaire et donne une épaisseur psychologique à son héroïne qu'on suit sans déplaisir de Boston à Berlin, du Canada aux Etats-Unis. Quitter le monde n'est pas le meilleur roman de Douglas Kennedy (mes préférés étant L'homme qui voulait vivre sa vie, La poursuite du bonheur, Les charmes discrets de la vie conjugale), à force de multiplier les coups de théâtre, on finit par se dire que l'écrivain en fait trop....mais paradoxalement on tombe dans le piège, on s'accroche au personnage, on pleure avec elle (c'était carrément l'inondation sur mon boudin!) et n'est-ce pas cela l'essentiel ?
Quand les auteurs français arrêtent de se regarder le nombril pour écrire une saga familiale (dont les anglo-saxons semblent mieux maîtriser les codes), cela donne le magnifique Une vie Française de Jean-Paul Dubois et plus récemment Un brillant avenir de Catherine Cusset.
L'écrivain dont j'apprécie tout particulièrement la plume et le sens profond de l'auto-dérision, change totalement de registre dans son dernier roman en nous proposant le portrait tout en nuances d'une femme, Helen, des années 40 à nos jours. Construisant l'histoire de son héroïne par une série d'aller-retours dans le temps, Catherine Cusset nous livre peu à peu les clefs d'un personnage assez énigmatique avec lequel on voyage de l'Europe de l'est à l'Amérique, en passant par Israël ou l'Italie. Tour à tour, amoureuse d'un juif que ses parents refusent qu'elle épouse, femme pugnace fuyant la Roumanie pour trouver sa place aux États-Unis, mère d'un fils Alexandru dont elle a tracé le brillant avenir même s'il s'agit pour cela d'évincer Marie, une petite française avec qui il vit, Helen nous désarçonne, nous agace, nous émeut, nous bouleverse...on la croit exceptionnelle comme son destin et on découvre qu'elle est une femme comme nous, remplie de doutes et de failles.
Et vous, avez-vous lu une saga qui vous a scotché?