Elsa Grether, virtuose du violon

Publié le 22 juillet 2009 par Elisabeth1

Il semble bien que, de tout temps, l’Alsace ait été terre de musique.
Du compositeur Léon Boëllmann, né à Ensisheim, au Strasbourgeois Émile Waldteufel.
D’Albert Schweitzer
, excellent organiste, au clarinettiste mulhousien Paul Meyer ou au guitariste manouche Biréli Lagrène, natif de Soufflenheim.
Elsa Grether est de cette lignée. Et de cette autre, où s’engouffre la jeune génération des interprètes actuels. Ardents. Fougueux. Pétris de talent. Et passeurs d’émotions absolues, quand ils en arrivent à
« s’oublier jusqu’à “devenir” la musique ” qu’ils jouent, comme dit
Elsa, qui cite aussi volontiers Georges Braque :

 « Il n’est en art qu’une chose qui vaille : celle qu’on ne peut pas expliquer ».
Sur la page d’accueil de son blog, la violoniste de 29 ans a donc convié Jankélévitch et mis en exergue cette belle phrase du philosophe et musicologue russe : « Seule la musique peut exprimer l’inexprimable : elle est le logos du silence. » Une formule dont Elsa Grether a fait son viatique et qui lui va comme un gant. Ou plutôt comme une sonate de Bach ou de Szymanowski, deux de ses compositeurs de prédilection. Ou mieux encore, comme la 3e de Martinu, « une de mes pièces préférées ». Car, interroge-t-elle,

 « à quoi sert la musique, si ce n’est à extérioriser des émotions qui sont communes à tout le monde et qui ont traversé les siècles ? Paradoxalement, la musique est très
proche du silence. L’une et l’autre nous assortissent à quelque chose qui nous dépasse totalement et qui nous fait entrer en vibration avec l’essentiel.»

Belle, souriante, épanouie, toute dévouée à sa carrière et à son Landolfi de 1746, le violon italien pour lequel elle a eu le coup de foudre il y a deux ans « parce qu’il a du chien », Elsa Grether,  est une authentique fille d’Alsace et de son patrimoine musical, ouvert et inventif.


Une province qui l’a vue naître en juin 1980. Dont elle aime ce qu’elle appelle la « Gemütlichkeit » et où elle joue à chaque occasion qui se présente. La dernière fois, c’était en mars 2009, pour une
tournée de neuf concerts en compagnie de la pianiste Éliane Reyes et de la violoncelliste Béatrice Reibel, ses deux amies du trio Agapè, qu’elles ont créé il y a un an.
Une partie de sa jeune vie d’artiste est ainsi déjà gravée dans le grès des Vosges : le Concerto pour violon de Joseph Haydn en mai dernier à Sélestat, en solo et à la direction d’orchestre avec la Follia ; le Concerto en sol mineur de Max Bruch à Mulhouse, en 2008, et celui de Johannes Brahms à Strasbourg, la même année. En attendant Musica, le festival de musique contemporaine de Strasbourg, où elle interprétera le 29 septembre prochain, avec l’ensemble In Extremis, une oeuvre d’un jeune compositeur strasbourgeois de sa génération, Christophe Bertrand, à peine 28 ans.
Elle dont un des premiers maîtres, le violoniste Ruggiero Ricci, au Mozarteum de Salzbourg, avait apprécié
« le feu en elle », a fini 2008 avec une quarantaine de récitals, où la musique musique contemporaine était de plus en plus souvent présente, et poursuit 2009 avec une palanquée de rêves. Dans le désordre : rester free lance, « parce que c’est la liberté, celle, notamment, de jouer avec les gens que j’aime, comme les pianistes Delphine Bardin ou Feren Vizi », mais trouver un « bon agent ». Enseigner à mi-temps. Se lancer dans des récitals de violon seul.
Rencontrer Gidon Kremer, qu’elle « admire ». Interpréter le Concerto pour violon de Benjamin Britten, réputé injouable. Ou encore former un duo avec la joueuse de pipa (une cithare chinoise) Liu Fang.
Un autre de ses projets n’est déjà plus un rêve puisqu’il va se concrétiser en 2010, l’année de ses 30 ans : ce sera l’enregistrement de ses deux premiers disques, l’un de sonates russes, l’autre d’oeuvres d’Europe centrale, pour lesquels elle « cherche encore quelques fonds », mais apprécie le sponsoring de la Fondation Alliance à Mulhouse.
Bientôt trentenaire, donc, et un long parcours d’excellence derrière elle. Découverte sitôt passionnée du violon à l’âge de 5 ans à Mulhouse. Études musicales à Paris. Sept ans et demi à l’étranger, dont deux en Autriche et cinq aux États-Unis, qui lui apprennent à décliner ad libitum la maxime de son mentor salzbourgeois :

 « La musique, c’est comme un ascenseur, ça monte et ça descend. Rien n’est jamais acquis. »

Une formule qu’elle décline à son tour sous d’autres formes, comme

« Il faut se remettre en question constamment », ou « Savoir qu’on apprend tous les jours », en faisant référence à « l’idée de la perfectibilité de l’homme » chère à Tocqueville.

« Tout ce qui me reste de mes cours de philo », sourit-elle.

extrait du journal l’Alsace
Texte Lucien Naegelen

Photo Jean-François Frey