Le pianiste Olivier Cavé vit la musique de Domenico Scarlatti avec passion, puisant dans ses propres racines italiennes lors de ses fréquents séjours à Naples. Son enregistrement de dix sept sonates du compositeur napolitain, choisies parmi un corpus de plus de 555 pièces, révèle les différentes facettes du génie de ce dernier. Tantôt fantasque, tantôt mélancolique, souvent pétillant, Domenico Scarlatti nous est ici révélé avec un style alerte, une superbe précision de toucher et de très belles nuances. Cet enregistrement sous le label Aeon apporte sa pierre à l'édifice des interprétations dites modernes de Domenico Scarlatti. Olivier Cavé, par le choix des différentes pièces et par sa lecture soignée et intelligente, nous révèle bien les ressorts de ces compositions qui puisent également leurs racines dans la musique populaire et dans la fête.
J'ai interviewé Olivier Cavé à propos de ce disque.
On est habitué à des interprétations finalement assez académiques des sonates de Scarlatti, y compris chez des grands pianistes comme Horowitz. Votre sélection et votre lecture de ces pièces nous révèlent un Domenico Scarlatti enjoué, inventif, presque fantasque.
Olivier Cavé : Je vous trouve très dur avec les interprètes du passé. Les versions de Maria Tipo et Ivo Pogorelich, entre autres, sont exceptionnelles. Grâce au travail intense et "scientifique" du mouvement baroqueux, nous ne jouons plus la musique baroque comme il y a 60 ans. Tant de portes nous ont été ouvertes. A nous, "musiciens d'instruments modernes", d'aller voir ce qu'il y a derrière... Domenico Scarlatti ne nous a donné quasiment aucune indication sauf celle de ne pas prendre sa musique trop au sérieux, dans sa préface des Essercizi. Nous sommes libres ! J'aime cette liberté. J'ai joué ce que j'ai lu entre les lignes de ces partitions merveilleuses. Une Sonate brillante a peut-être un visage caché. Si je la joue lente, elle devient une danse mélancolique. Comme Pulcinella, le célèbre personnage de la "Commedia Napoletana". Sous son masque triste, il sourit!
On sent y compris de multiples influences de musiques populaires italiennes mais aussi espagnoles. Les couleurs de la fête sont bien présentes. Je suppose que c’est aussi un choix de votre part de faire ressortir ce caractère festif.
Pensez-vous que Scarlatti, s’il avait eu un piano moderne, aurait aimé rendre les nuances que vous révélez ?
O.C. : Je pense que Domenico Scarlatti et son élève, Maria Barbara, la reine d'Espagne, se sont intéressés de près au développement de ce nouvel instrument qu'était le forte-piano, ancêtre du piano. Nous savons qu'il y en avait à la cour d'Espagne. Nous ne saurons jamais comment Scarlatti aurait joué ses Sonates au piano. Heureusement! Ce mystère nous offre encore plus de liberté.
Où réside la difficulté dans les sonates que vous avez sélectionnées ?
O.C. : La difficulté de toutes les Sonates de Scarlatti est la spontanéité. La fraîcheur doit rester, malgré les heures de travail technique que certaines de ces petites pièces demandent. Nous devons redonner ce caractère improvisé à chaque Sonate. N'oublions pas que Domenico Scarlatti a été peut-être le premier improvisateur.
Quels ont été les artistes qui vous ont le plus influencé dans votre lecture de ce répertoire ?
O.C. : Tout le mouvement baroqueux. Rinaldo Alessandrini qui fait un travail musicologique et musical passionnant. Puis naturellement mes maîtres: Maria Tipo, une des très grande ambassadrice de Domenico Scarlatti, et Aldo Ciccolini, avec qui j'ai préparé ce disque à Naples.
Domenico Scarlatti - Naples, 1685 - Olivier Cavé, piano - label Aeon.