Les intéressantes réflexions de ap dans Peint à l'envers suivies de celle d'holbein avec Le syndrome de la chauve-souris conduisent à m'interroger sur ce thème ; avec toujours en arrière-pensée l'idée de contextes extra-occidentaux.
Malheureusement, de prime abord, il faut se rendre à l'évidence : je reste perplexe quant à une quelconque transposition. Par contre, les thèmes du passage à la vie, le lien à la mort, le motif de la chauve-souris... tout cela m'est familier dans l'art Asmat.
Mais nous voilà plongés dans des considérations bien différentes...
Ces motifs sont, en effet, particulièrement nombreux sur les boucliers Asmat.
On les remarque au centre de celui-ci : Cinq oiseaux stylisés sont placés verticalement les uns au-dessus des autres ; alternant la tête en haut et la tête en bas. De petites griffes ressortent au bout des pattes du volatile. Pattes, mains et têtes ressortent en couleur noire. Proportionnellement, les ailes ont des dimensions importantes.
Il s'agit de représentations de roussettes.
Ces motifs, combinés aux autres, pouvaient-ils constituer une valeur symbolique de protection ?
Pouvaient-ils « terrifier » l’ennemi ?
C’est ce que s’accordent à penser plusieurs auteurs. Les boucliers tiraient leur puissance des symboles sculptés, de l’iconographie choisie en fonction des ancêtres de la personne qui le possédait et dont il tirait la force.
La représentation de la roussette n'est pas anodine car c'est un animal qui mange le fruit des arbres. Elle offre ainsi une métaphore du chasseur de tête ; l’arbre étant considéré comme un homme.
(L’identification Homme-arbre vient du mythe selon lequel le Créateur aurait transformé des statues de bois en humains en jouant du tambour).
Dans la pensée Asmat, et ce qui est traduit sur les boucliers de manière générale, c’est la continuité entre la vie et la mort, la chasse aux têtes mise en relation avec la régénération du groupe, la force transmise à l’individu par ses ancêtres au travers du bouclier.
Photo 1 : Détail d'un bouclier in Gerbrands, A., A., Rockefeller M., C., 1967, The Asmat of New Guinea : the journal of Michael Clark Rockefeller, New York : Museum of Primitive Art; distributed by the New York Graphic Society, Greenwich, Conn.
Photo 2 : Musée du Quai Branly.
Photo 3 : Détail d'un bouclier asmat in Konrad G., Konrad U., Sowada A., 2002, Asmat : Perception of Life in Art, Mönchengladbach : B. Kühlen.