Quelques chiffres sur la gestion des avoirs privés par les banques suisses permettent de se faire une idée de la place financière suisse dans le monde :
- Les banques installées en Suisse gèrent des titres d'une valeur globale de quelque 3800 milliards de francs, ce qui les place au troisième rang dans le monde.
- Quant aux actifs sous gestion en Suisse appartenant à des étrangers, ils approchent 2200 milliards de francs et représentent environ un tiers de la fortune privée mondiale offshore (avoirs placés à l'extérieur du pays de résidence de leur détenteur), performance qui, pour cette spécialité, situe la Suisse en tête des centres financiers dans le monde.
D'autres chiffres permettent de se rendre compte de l'importance pour la Suisse du secteur des banques et des assurances :
- Il réalise près de 12% de la valeur ajoutée du pays, soit deux fois plus qu'en France ou en Allemagne.
- Il génère plus du tiers de l'excédent de la balance suisse des transactions courantes.
- Il occupe près de 6% des personnes actives.
- Il contribue à près de 20% des recettes fiscales du pays.
- Il réalise près du tiers des investissements directs suisses à l'étranger.
La place financière suisse comprend deux grandes banques, l'UBS (ici) et le Crédit Suisse (ici), mais aussi des banques cantonales, des banques régionales et caisses d'épargne, les 411 banques du réseau Raiffeisen (ici), des banques commerciales, des banques boursières, des banques de prêt personnel, des banquiers privés au nombre de 14 (ici), des banques étrangères, des succursales de banques étrangères, et - ce que l'on sait moins - quelque 3000 gérants de fortune indépendants. C'est dire que la Suisse est un centre financier très diversifié.
La place financière suisse est répartie entre plusieurs pôles. Pour simplifier et en apprécier l'importance relative : Zürich emploie 75'000 personnes dans ce secteur, Genève 30'000, le canton de Vaud 13'000 et le Tessin 8'000.
Selon les 6 critères définis par la Banque des Règlements Internationaux (ici) pour apprécier le caractère international et global d'une place financière :
La Suisse est, après le Royaume-Uni et la France, la troisième plate-forme bancaire la plus globale du monde, à égalité avec l'Allemagne et avant les Etats-Unis.
La place financière suisse bénéficie d'atouts propres à la Suisse tels que la stabilité politique et sociale - la grève est rarement utilisée comme moyen d'action -, la stabilité juridique, la performance économique - qui devrait être moindre cette année uniquement en raison de la forte dépendance de ses exportations à l'égard de la conjoncture internationale et non pas, comme ailleurs, de l'endettement des particuliers -, la stabilité monétaire, les taux d'intérêts réels faibles, le respect de la sphère privée, l'ouverture sur le monde - les exportations suisses représentent le tiers du PIB suisse -, de ressources humaines multilingues et qualifiées, d'infrastructures financières modernes et efficaces.
Il est enfin d'autres atouts propres à rassurer les investisseurs, ce sont les rôles de contrôle que jouent la BNS (Banque nationale suisse) (ici) et la FINMA (l'Autorité de surveillance des banques) (ici):
La BNS, qui veille à ce qu'il y ait suffisamment de liquidités, que les taux d'intérêt et les coûts du capital restent bas, que l'inflation soit très faible et le franc fort, est par ailleurs chargée de la surveillance des systèmes de compensation des paiements et des valeurs mobilières (...).
La FINMA surveille les banques, les négociants en valeurs mobilières, les bourses, les fonds de placement et les deux établissements de crédits hypothécaires.
Les contrôles sont facilités par le fait que :
L'autorégulation constitue un pilier essentiel de la structure du marché financier helvétique.
L'étude du Centre patronal donne des exemples des trois types d'autorégulation que connaît le système financier suisse :
Les recommandations de l'Association suisse des banquiers (ASB) [ici] relèvent de l'autorégulation libre. Les règles de conduite de l'ASB relatives à l'octroi de crédits, à la gestion de fortune ou à l'obligation de diligence des banques (identification de l'ayant droit économique) sont reconnues par la FINMA en tant que standards minimaux. Dans la loi sur les banques, la garantie de dépôts relève de l'autorégulation obligatoire.
L'Etat, même s'il faut le regretter, n'est intervenu que deux fois, lors de la crise financière : pour recapitaliser l'UBS et sortir de son bilan des actifs illiquides et pour renforcer la protection des déposants (le montant des dépôts protégés est passé de 30'000 à 100'000 francs).
Dans cette seconde partie la revue du Centre patronal rappelle que le secret bancaire suisse ne protège pas l'évasion fiscale et que celle-ci est même taxée, comme nous l'avons vu dans la première partie, et que le secret bancaire suisse ne fait pas de la Suisse un paradis fiscal :
Elle ne pratique pas une taxation minime ou inexistante, elle ne favorise pas les entreprises non résidentes, sa surveillance du secteur financier et son dispositif anti-blanchiment sont de très haut niveau, la confidentialité garantie par le secret bancaire est levée en cas d'activités criminelles, ce qui permet une parfaite collaboration internationale.
C'est pourquoi aujourd'hui la place financière suisse s'appuie sur les conditions-cadre évoquées plus haut pour se défendre dans un monde où les acteurs ne sont pas aussi perfectionnistes qu'elle
pour observer des règles de bonne conduite entre concurrents.
En effet :
Dans plusieurs centres financiers, divers instruments, mécanismes ou structures juridiques rendent quasiment impossible l'identification des ayants droits
économiques, ce qui laisse la porte grande ouverte à l'évasion fiscale et rend difficile, voire problématique, la prévention des activités criminelles.
Il s'agit notamment des trusts - particulièrement opaques en Irlande et dans le Delaware - et des sociétés offshore dont non seulement les
paradis fiscaux exotiques se sont fait une spécialité mais aussi le Luxembourg, les Pays-Bas et ... les Etats-Unis avec le Delaware et la Floride.
Dans ce contexte la place financière suisse doit se ressaisir :
Alors que dans les années 1980, le secteur financier suisse affichait encore une croissance de la création de valeur réelle de 6,5%, dix ans plus tard, celle-ci
était tombée à 3,9% et en 2000, elle n'était plus que de 0,8%. Du deuxième rang mondial, le secteur financier suisse est de ce point de vue passé en vingt ans au sixième.
Le Centre patronal suggère un certain nombre de mesures pour redonner à la Suisse des avantages comparatifs par rapport aux centres financiers qui la
concurrencent. La place financière suisse devrait se donner des exigences élevées en matière de formation, de réglementation - chaque intervention
réglementaire, par exemple, devrait être soumise à une évaluation coûts-bénéfices - , de fiscalité - par exemple l'impôt anticipé de 35% que subissent les fonds
suisses devrait être revu -, d'infrastructure d'avant-garde, de modèle de gestion, de valorisation de la sphère privée - la
problématique de la confidentialité bancaire dans le monde devrait être mise en lumière -, d'image de marque.
Comme le dit fort justement le Centre patronal :
La place financière suisse s'affirme comme le premier secteur économique du pays (...). Mais rien n'est jamais définitivement acquis et rien ne garantit que cette
réussite perdure (...). Il est devenu urgent de le revitaliser.
Francis Richard