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Publié le 21 juillet 2009 par Hoplite

Finalement c’est le silence. Le matin, quelques coups sur la porte, discrets, pour moi seul, pas réveiller les autres ; Je m’habille en silence, engourdi de fatigue et à peine réveillé, maudissant ces réveils matinaux. Café, pain, beurre, recafé, silence de la pendule et du café qui passe encore, des cris d’animaux dans la nuit et la fraîcheur de l’aube. Parfois une indication ou une interrogation brève si le lieu n’a pas été arrêté la veille au soir. Chacun vérifie son sac, ses lignes, ses appâts, sauterelles ou teignes, de quoi grignoter à dix heures. Le froid, il est quatre heures et demi, le brouillard au fond de la vallée, bien souvent, l’herbe mouillée, le bruit de la rivière. Voiture, les phares jaunes, les virages, les panneaux qui luisent dans la nuit : Nieudan, Saint Victor, Ayrens. Pas grand monde sur la route, personne souvent, une buse qui s’envole à notre passage. On marche dans les bois, il fait nuit, les premières lueurs du jour ; il faut arriver tôt, être le premier au bord. L’odeur de l’eau qui court, de terre et d’herbe mouillée, quelques chevaux serrés à la lisière de la forêt, indifférents. Un regard amusé dans ses yeux : « Tu prends quoi ? » C’est un jeu, je prends l’amont, bien sûr. Lui préfère marcher un peu avant de mouiller sa ligne. Moi non, je connais la rivière, chaque courbe, chaque trou, chaque pêche, chaque prise ratée, chaque éclair entrevu, effrayé et perdu. Silence, pas de loup, regarder, sentir l’endroit exact ou elle attend. S’il faut, mettre un pied dans l’eau mais c’est mieux pas, on dérange un ordre silencieux, mystérieux. Je jette, un peu en amont, sans bruit, juste le petit cloc de l’appât qui touche l’eau, la ligne tendue, pas trop, pas de geste brusque, une tension douce qui suit le courant, l’attente du toc de la morsure puis la ligne qui court à contre courant ou sous une souche. Je ferre, un éclair doré prés de la surface, silence toujours, les genoux dans les galets ou sur le sable. Vers dix heures on se retrouve, pas besoin de portable ou d’horaire. « Alors ? » « Ca va, regarde. » On s’assoit et on mange. Ce goût de fruit et de poisson, le sang sur l’opinel…Souvent on croise un ravi, un touriste, qui débarque. Pas besoin de se regarder, on a le même sourire. S’il veut savoir, c’était pas bon aujourd’hui. Jamais d'ailleurs. Le jour est levé depuis plusieurs heures, le soleil est chaud, même, on rentre. On passe en lisière du bois, là où on a trouvé des cèpes l’année dernière. Puis la route, la campagne qui s’éveille, on est fatigué.