Il m'arrive, rarement, d'éprouver le même sentiment pendant la journée: je m'absorbe dans une lecture, de la musique, une pensée, un film et paf! Je bouge sans réfléchir, parfois même prête à me lever, à bondir de mon fauteuil, et la revoilà, ma paralysie qui me cloue, me stoppe net dans mon geste esquissé: abandonnée à la détente, à la nonchalance, je me retrouve soudain projetée dans mon réel de malade. Qui me rappelle à l'ordre, agite devant moi comme un macaron virtuel de handi. "Coucou, nan, tu ne peux pas te lever, rappelle-toi. Tu es cassée!" Parfois, quand mon geste est trop précipité, je manque de tomber! Arf! Damned!
Ca m'est arrivé au travail aussi, mais là ce n'est pas moi qui oublie ma condition! Ce sont mes djeun's qui oublient vite mon 'teuil. Quand on travaille en groupe sur un projet et que je suis derrière mon bureau pour attraper mon sac à dos et mes documents, il n'est pas rare que l'un d'eux m'interpelle: "M'dame, s'il vous plaît?". Et je sors de derrière la table, souriante. Et le gars se fige... Il s'attendait à me voir me lever (alors qu'il ne m'a jamais connue valide, c'est le comble!). "M'dame, j'oublie trop que vous êtes en fauteuil!" Pareil pour un collègue qui ne m'a connue que handi et me disait: "Meuh nan, j'me déplace pas, t'as qu'à te lever toi, viens!... Oups!" Je lui ris au nez:"Banane, va!" Lui: "Pardon, j'oublie toujours... Mais faut dire que t'as pas le profil gnangnan de la caricature qu'on se fait des handicapés, alors... Dans ma tête, tu es sur 2 pattes. Parce que dans ton attitude, tu l'es!"
J'ai beau assumer mon handicap, depuis le temps, le "réveil" n'en est pas moins spectaculaire. Rude.
***C'est si bon de s'oublier. De retrouver celle d'avant. Qui "est", simplement. Avant d'être handicapée, malade.***
*paru le 29 avril 2007*