Autant dire que ça commençait bien. E. Robert Pendleton est professeur de Creative Writting, vous savez, ces postes universitaires pour écrivains ratés aux Etats Unis. Et écrivain raté, il l'est, rongé par la dépression, incapable de produire la moindre ligne constructive ou originale, crevant de jalousie face à son ancien camarade Horowitz qui lui a réussi et tient régulièrement la tête du classement des best sellers. "N'ayant publié aucune oeuvre de fiction importante depuis dix ans, il avait parfois l'impression d'être comme un prêtre devenu athée qui n'en continue pas moins à prêcher en chaire parce qu'il n'a pas d'autre endroit où aller."
Pour en finir avec cette vie médiocre, il décide de se suicider, le jour même où son université (de cinquième zone...) accueille Horowitz en séminaire à sa propre initiative. C'est Adi Wiltshire qui le découvre et lui sauve la vie, ou plutôt le condamne à une vie de légume car son cerveau a été endommagé. Étudiante attardée qui n'arrive pas à boucler sa thèse, elle s'installe chez Pendleton (qui lui a tout légué dans un ultime testament) et lui sert de garde malade pour alléger sa conscience. Elle découvre un carton de plusieurs exemplaires du livre de Pendleton, Le Cri, imprimé mais jamais diffusé. Il raconte le récit du meurtre d'une jeune fille de treize ans qui a eu lieu plusieurs années auparavant dans cette même ville et dont on n'a jamais retrouvé le meurtrier. A cause de la précision de certains détails, Adi est bientôt persuadée que Pendleton est le meurtrier. Elle en informe Horowitz et bientôt, l'affaire devient publique car grâce à ce dernier, ce roman génial est nominé pour le prix Pulitzer... juste avant que l'enquête soit réouverte.
Voilà pour les deux cents premières pages. Mais après, tout devient très long. Les déboires d'Adi qui a sombré dans la drogue, les problèmes conjugaux de l'inspecteur Ryder, l'enquête qui n'avance pas... Je suis terriblement déçue car ce qui m'intéressait, c'était le mécanisme de création, comment ce vieil universitaire racorni avait pu utiliser ce fait divers sordide pour écrire et pourquoi il a ensuite caché son oeuvre. L'enquête aussi m'intéressait, mais après trois cent cinquante pages, Ryder ne connaît toujours pas la première date de publication du Cri, alors c'est long. Même si ça ne manque pas de rebondissements, de remarques et portraits acides sur le monde universitaire américain et de descriptions sociales sordides, l'ennui s'est installé. Ces personnages ont tous plus ou moins raté leur vie, leurs belles aspirations ne sont plus que souvenirs et ils n'ont plus recourt qu'à des bassesses pour continuer ; d'autres préfèrent le cynisme.
Michael Collins est Irlandais et son regard sur les Etats Unis où il vit diffère de celui des Américains pure souche. Adieu le rêve, dans l'Amérique de Collins tout est petit et mesquin, on ne réussit pas à moins de conformisme et de vanité.
Tout ça est très pessimiste et ce qui s'annonçait comme une enquête sur la création littéraire tourne en roman policier absolument pas palpitant.
L'avis d'Yvon qui a lu toute l'oeuvre de cet auteur traduite en français.
La vie secrète de E. Robert Pendleton
2.5
Michael Collins traduit de l'anglais par Jean Guiloineau
Bourgois, 2007
ISBN : 978-2-267-01888-2 - 527 pages - 26 €
Death of a Writer, parution aux Etats Unis : 2006