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Changement et grande entreprise

Publié le 22 juillet 2009 par Christophefaurie

Hervé Kabla a publié un billet concernant les difficultés culturelles que Dassault Systèmes éprouve lorsqu’il acquiert une entreprise. J’ai vu ce billet relativement tôt, mais je pensais que je n’avais pas grand-chose à dire sur le sujet. Finalement, j’ai compris que c’était une question de conduite du changement.

En fait, tout ce que disent ce billet et les commentaires qu’il a suscités aurait pu être dit à l’époque où je travaillais pour DS, il y a plus de 15 ans. Alors, l’équipe dirigeante actuelle était en cours de constitution. J’ai aussi vu la première acquisition (Cadam), rencontré certains de ses employés – complètement perdus, et lancé les premiers partenariats (jusque-là, ils faisaient face à une forte résistance interne). Déjà le paradoxe entre une success story admirable et des processus de fonctionnement apparemment peu rationnels étonnait et suscitait des désillusions quasiment amoureuses.

Ce qui m’a frappé quand j’ai quitté DS, c’est que beaucoup d’autres entreprises lui ressemblaient. Particulièrement celles qui font rêver, dans le high tech ou les médias. J’ai fini par comprendre que toute entreprise a ses rites qui ont une rationalité que la raison ne comprend pas. Ils résultent des multiples problèmes qu’elle a dû résoudre au cours de son histoire. Toute organisation est « complexe », au sens de « théorie de la complexité ». C’est pour cela que le nouvel embauché passe par une sorte de parcours d’initiation qui fait de la culture de l’entreprise une seconde nature. Malheureusement, les membres des entreprises acquises rejoignent la société sans ce processus d’acculturation.

Notre premier partenaire a sablé le champagne en pensant que sa fortune était faite. Je lui ai expliqué que si DS mettait à disposition beaucoup de moyens, ils ne travailleraient pas, seuls, pour lui ; il faudrait apprendre à les identifier et à les utiliser ; et donc il fallait avoir un minimum de stratégie. DS lui donnerait des échasses, mais ne marcherait pas à sa place.

Maintenant, le « changement ». Le fond du débat entre Hervé et de ses interlocuteurs est la question suivante : les idées (brillantes) des ingénieurs qui rejoignent DS peuvent-elles influencer sa direction ?

Le management centralisé de DS lui permet de bouger très rapidement, quand il sent l’urgence de la situation (cf. son repositionnement des années 90). Ce qu’il cherche ce sont des innovations de rupture. Pas tant des concepts exotiques que des idées de bon sens qui peuvent transformer le métier de son marché. En réalité, il ne faut pas qu’une idée, il faut aussi un plan de mise en œuvre susceptible de marcher immédiatement. Sans lui, la complexité de l’organisation dont il est question plus haut « tue » l’idée (le passage en force ne réussit que dans les situations d’urgence extrême qui concernent l’ensemble de l’organisation). Ce plan doit donc avoir été conçu avec ceux qui auront à le mettre en œuvre.

Je récapitule. Il me semble que pour faire bouger l’entreprise, il faut proposer à son top management des idées de rupture résultat d’une analyse pertinente des besoins du marché et des capacités de la technologie ; formuler ces idées de manière « vendeuse », en respectant les codes de l’entreprise (qu’Hervé décrit en creux) ; les accompagner d’un plan d’action détaillé porté par ceux qui devront le réaliser.

C’est la technique que j’ai employée pendant quelques années.

Ce petit exemple veut montrer :

  1. qu’il ne faut pas s’arrêter à une rationalité à courte vue lorsque l’on juge une entreprise ;
  2. que sa complexité apparente sous-tend une logique qui permet des changements rapides et majeurs.

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