Martine Lambert aurait aimé être attachée de presse ou monter sur les planches d’un théâtre. Cette Normande pur jus suivra finalement sans passion, un cursus d’école de commerce avant de se retrouver par nécessité à vendre des crèmes glacées et des sorbets.
Des cornets pour éponger les dettes
Nous
sommes dans les années 75 à Deauville, Martine et son époux font face à
de réelles difficultés financières. Les affaires de leur société ne
fonctionnent pas comme ils l’avaient espéré et Martine doit se rendre à
l’évidence. Il est temps de penser à faire bouillir la marmite
autrement. Un salaire doit impérativement tomber régulièrement sur le
compte pour rassurer le banquier. Elle prend ce qu’elle trouve,
vendeuse de glaces pour la marque La Sorbetière qui possède un pas de
porte à Deauville. Pour les Normands, les Parisiens en week-end ou les
touristes de passage, Martine, propose notamment les indétrônables
fraise, vanille, chocolat. Un tiercé gagnant, toujours d’actualité.
Finalement, elle prend goût à ce métier et à cette matière. L’été 76 se
profile. La canicule va définitivement faire de Martine Lambert, une
fée des glaces.
Des premiers pas compliqués
L’hexagone
écrasé par la chaleur, Martine est contrainte d’augmenter les cadences.
Le stock fournit par La Sorbetière ne suffit pas. Tout le monde réclame
des glaces, et tant bien que mal, Martine tente de répondre à la
demande en préparant les siennes. Au départ, elle ne comprend pas
grand-chose à la fabrication. Elle tâtonne, rencontre des
professionnels qui vont la guider, se plonge dans des livres, apprend à
équilibrer les matières grasses, à dompter l’extrait sec, à maîtriser
le taux de sucre dans les sorbets ou à obtenir une texture vendable.
Elle quitte finalement La Sorbetière pour ouvrir son propre magasin en
1981, à deux pas de l’Office de Tourisme de Deauville. C’est le début
d’une belle aventure humaine, féminine et gastronomique. A l’époque,
elle ne possède pas encore de laboratoire. Elle
est un peu la nomade de la glace préparant ici et là ses crèmes glacées
et ses sorbets. La Sans Laboratoire Fixe attendra 1988 pour inaugurer
un véritable site de travail où elle crée à la manière d’un écrivain,
selon l’inspiration. Elle peut ainsi ne rien créer pendant des mois et
puis un jour, au hasard d’une conversation, en croisant un produit sur
un étal ou dans le cadre de ses lectures, une idée va jaillir et elle
va s’y atteler. C’est de cette façon que la papaye et le piment se sont
rencontrés. Au départ, Martine avait préparé un sorbet à la papaye
qu’elle trouvait désespérément terne. A Rungis, elle tombe sur une
caisse de piment de Saint-Domingue qui ne trouvait pas preneur. Martine
pense à son sorbet papaye et se dit qu’un peu de piment lui redonnerait
du peps. Elle le fera confire pour l’intégrer au sorbet et cette fois,
le résultat sera à la hauteur de ses espérances.
Une notoriété grandissante
Parce qu’elle ne travaille que des produits frais, qu’elle n’utilise ni purée de fruits
congelée, ni colorant, ni conservateur, ni stabilisant, ses glaces
finissent par séduire les professionnels. Les directeurs de
supermarchés de la région viennent à sa rencontre, les restaurateurs
passent commande, la Grande Epicerie de Paris la référence et des
dizaines de revendeurs l’aident à acquérir une notoriété entièrement
justifiée. Elle ouvre des magasins à Caen, Honfleur et Villers sur Mer
avant de se recentrer sur le magasin historique de Deauville, de
s’installer dans la ville voisine, Trouville, et de faire ses premiers
pas à Paris dans le 7e puis au Café de la Paix grâce à un œnologue
amoureux de ses glaces, Eric Verdier, qui lui ouvre son carnet
d’adresses. La discrète Martine, inconnue des Parisiens en dehors des
habitués des week-end à Deauville, commence à s’imposer dans la
capitale dominée par Berthillon.
Fraise, vanille et chocolat mais pas seulement
Cassis
de Bourgogne, fruit de la passion du Brésil, mangue du Mali, framboise
de Dordogne, fraises Mara des Bois produites en plein champ et non sous
serres, Martine met un point d’honneur à ne sélectionner que des
produits de grande qualité pour fabriquer au jour le jour, parfois deux
fois par jour, des crèmes glacées et des sorbets d’une délicatesse
absolue et d’un goût
franc. Les associations sont également épatantes comme Vent d’Anges,
figue et saignée de vin de Saint-Emilion, Eté Indien, figue et
clémentine, Nuit de Chine, cacao et poivre du Séchouan, La Martinique,
vanille, orange confite et rhum sans oublier Marguerite, un clin d’œil
à sa Normandie, où se mêlent une glace au lait de vache, du jus de
pomme et un riz au lait ou encore la surprenante Baobabana, une glace
au miel de fleurs de baobab et morceaux de bananes flambées. Goûter
tous ces parfums, toutes ces créations, c’est inévitablement, tomber
accro de cette adresse.
Martine Lambert. 192, rue de Grenelle. 7e. Tel. : 01 45 51 25 30. M° : Ecole Militaire.
76 bis, rue Eugène Colas. 14800 Deauville. Tel. : 02 31 88 94 04.
172, boulevard Fernand Moureaux. 14360 Trouville sur Mer. Tél. : 02 31 98 21 35.
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