Dans le rôle de la taulière, Martine Aubry ne tient plus son petit monde. Non seulement son rappel à l’ordre a l’encontre de Manuel Valls fait un flop mais, il s’est retourné contre elle. Et voilà l’autorité muée en archaïsme et la rébellion en modernité.
Adepte pourtant de l’ordre et du caporalisme, Manuel Valls qui se rêve en Sarkozy de gauche joue les indisciplinés et n’en finit pas de mettre des coups de bec à un parti auquel il doit beaucoup. Adepte de la valse à trois temps, tour à tour Rocardien, Jospinien et Ségoléniste, le Maire d’Evry est désormais bien décidé à jouer sa propre carte.
Martine Aubry a fait une erreur. Soit elle laissait faire, soit elle devait aller au bout de sa logique et saisir la commission des conflits en vue d’une exclusion pure et simple du trublion. Le choix d’une simple lettre rendue publique est vite apparu comme un aveu d’impuissance. Celui d’une maîtresse dénuée d’autorité sur sa classe.
“Tu donnes l’impression d’attendre, voire d’espérer la fin du Parti socialiste. (…) Si les propos que tu exprimes reflètent profondément ta pensée, alors tu dois en tirer pleinement les conséquences, et quitter le PS. (…) On n’appartient pas à un parti pour s’en servir, mais pour le servir ” écrivait notamment, et tout à fait dans son rôle, la première secrétaire.
Mais comment parler éthique à des leaders qui n’en n’ont plus depuis belle lurette ? Laurent Fabius le premier avait franchi le rubicon en 2005 sur la question européenne en faisant campagne pour le non quand le PS, après un référendum interne, avait choisi le oui. On mesure aujourd’hui les conséquences de ce précédent. Que dire également de l’entourage de Ségolène Royal qui voulait traîner le PS après l’élection de Martine Aubry devant les tribunaux et qui désormais, par la voix de Jean-Pierre Mignard, président des clubs Désir d’avenir, clame que le PS “n’a pas besoin d’un code de discipline aux armées ni d’un socialisme réglementaire” ?
Dans cette chienlit mortifère beaucoup assurent, en pensant bien sûr à eux-mêmes, que la solution ne peut venir que de l’émergence d’un homme providentiel, celle d’un Chef charismatique. “Tant que nous n’avons pas réglé le problème du leadership, du chef, de l’équipe capable de porter ce projet et ces idées, nous ne nous en sortirons pas. C’est la raison pour laquelle j’ai annoncé ma candidature à des élections primaires” à gauche pour la présidentielle de 2012, a déclaré Manuel Valls rejoignant ainsi au sein du bal des prétendants déclarés Pierre Moscovici.
La tentation est grande de vouloir reproduire à gauche ce qu’a fait avec talent Nicolas Sarkozy à droite. Un choix facile et tentant qui va pourtant à l’encontre de l’héritage culturel de la gauche.
Plus qu’un leader omnipotent, le PS doit arriver à se doter d’un chef d’orchestre capable de faire jouer ensemble, de façon harmonieuse, ses solistes. Un pari audacieux tenté et réussi par Europe écologie lors du scrutin des européennes.
Comment donner du crédit à une formation politique qui aspire à gouverner la France mais qui est incapable de se doter de règles de vie commune dans la seule enceinte de Solférino ? Plus qu’une absence de leader, le PS est malade d’une absence de vouloir vivre ensemble entretenue par le diabolique système des courants. Officiellement teneurs d’une ligne politique, ils ont de fait dérivé vers un système aux allures mafieuses, essentiellement préoccupé par le partage de postes et de responsabilités.
Le retour en grâce du PS ne sera possible que si celui-ci renoue avec ses valeurs. A commencer par une solidarité minimum avec celle qu’il a placé à sa tête même, avec une élection étriquée. Le PS répète à l’externe ce qu’il fait à l’interne. Une usine à critiques. Rarement une source de propositions alternatives constructives.
Une situation parfaitement illustrée par un Jack Lang capable de déclarer que “le PS est devenu un arbre sec“, de rêver “surtout que l’équipe dirigeante soit là à plein temps” et, dans le même temps, capable d’assurer “soutien personnel et amical à Martine Aubry“. Plus fin certes, mais tout aussi méchant que les propos du rancunier Julien Dray, dénonçant“l’amateurisme, l’impuissance” de Martine Aubry, son “incapacité à entendre ce qui se passe et dans le parti et dans la société“. Un renvoi d’ascenseur pour ne pas avoir obtenu l’appui automatique de Solférino lors de ses soucis judiciaires…