Le musée de l'histoire des juifs de Pologne à Varsovie.
Jusque là, Thibault était pour moi un garçon plutôt banal, les cheveux plats et le regard rieur derrière les lunettes, un look « d’jeune » et la fausse désinvolture de ses 17 ans. Il passe le permis, rigole de ses craintes et s’esclaffe au souvenir de ses créneaux ratés. Il a l’avenir devant lui et ne sait pas très bien ce qu’il va en faire. Un garçon plutôt banal.
Jusqu’à l’église polonaise.
On est en voiture, lui à l’arrière. En passant devant la pancarte « Eglise polonaise », il glisse : « Ah ! Elle est là… ».
Et moi : « oui c’est une chapelle moderne. Tu t’y intéresses ? ». Je le regarde dans le rétro.
Il pouffe un peu : « Avec mon nom.. ». « Qu’est-ce que c’est ton nom ? » « Mourava, mais on l’a changé ». Je suis un peu perplexe : « C’était Mouravaski ? »
« Non Mourava, mais avec un W, Mourawa, quoi ». Et il ajoute un peu plus sérieux : « A la frontière quand ils sont passés, le fonctionnaire a simplifié. »
« C’était il y a longtemps ? ». « Pendant la dernière guerre, il valait mieux partir quand on était juif et polonais ». Il sourit d’un air entendu.
On est arrivés, il descend et je le regarde soudain autrement.
Parmi les enfants déportés du convoi 23 du 24 août 1942, il y avait deux sœurs : Hélène Mourawa, 10 ans et Denise sa petite sœur de 4 ans et demi qui bien sûr ne sont jamais revenues. Elles habitaient au 42 rue de l’Echiquier dans le 10e arrondissement à Paris. L’histoire n’allège pas tous les destins.
Thibault porte un nom que l’histoire a changé et il le sait. Mais son destin à lui, c’est de vivre au XXIe siècle, de blaguer et de penser aux filles. Il a l’avenir devant lui.
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