Après la cruelle constatation que ce blog devenait vachement axé sur la bouffe, jeme suis résolu, la mort dans l'âme, à me demander pourquoi diable, et si j'étais gay parce que bon quand même, c'est un truc de gonzesse les blogs de cuisine. Et j'ai une quéquette donc je ne suis pas une gonzesse. Et on m'a toujours bien dit "c'est les homosexuels qui font ces trucs de gonzesse", au moins jusqu'au CM2. Alors comme déjà je tricote et je tiens un blog, je me pose des questions, parce que bon, si j'étais gay, aurais-je le droit de continuer à mater les filles dans le métro ? Je ne connais pas les règles.
Donc. Auto-analyse, comme indiqué dans le titre, de pourquoi et d'où vient mon amour de la cuisine (catégorie arpette et dégustateur, mais bon).
J'ai passé une bonne partie de mon enfance au Maroc, avec une nounou marocaine qui nous a par la suite accompagnés en Tunisie et en France, et qui est la meilleure cuisinière que je connaisse. Ce n'est pas qu'un jugement personnel, une de mes tantes également excellente cuisinière reconnaît son talent supérieur, elle faisait d'une simple salade de tomates un mets de roi.
Et je suis un amateur de bonne bouffe.
Longtemps, j'y ai vu une simple conséquence de mon élevage, gavé que je fus de tagines de petits pois, de couscous et de harira.
Mais, aussi dur que ce soit à accepter, et sans lui retirer quoi que ce soit, je crois que mon amour de la bonne cuisine n'est pas à chercher par là.
Parce qu'en fin de compte, j'étais petit et con, j'appréciais autant les Frosties secs qu'un bon couscous, et je ne supportais pas la plupart de ses tagines (ça a changé depuis, hein).
Non, je pense que si j'aime la bonne bouffe, c'est grâce aux bouquins. Tous ces livres pour gamins dont j'ai été également gavé, et où la bouffe me paraissait d'une importance capitale.
Parce que c'est étonnant le nombre de livres jeunesse qui ne me restent en mémoire que par le traitement de la bouffe, aussi bien littéraire que visuel, qui me faisait saliver dans mon lit, sous mon lit, ou la tête en bas sur le canapé (oui, j'avais des habitudes de lecture un peu étranges quand j'étais petit).
Dès mon tout premier livre, le premier camping de Nahotchan, où la petite héroïne faisait cuire un plat de riz, j'ai été accroché.
L'île d'Adam (prononcez Adame, hein), un bouquin sans grandes ambitions littéraires (c'était dans la collection les Belles Histoires, je crois), est chéri dans mes souvenirs pour la seule raison qu'il y avait des petits fours à un moment de l'histoire, et qu'ils avaient l'air super bons, ces petits cubes avec un rond dessus (oui, même ça, ça me donnait envie).
Dans les histoires de la famille Souris, qui sont quand même relativement nombreuses, je ne me souviens sans effort que de celle où la famille va déterrer une grosse racine, avec laquelle ils vont faire de la purée, des frites, et plein d'autres trucs dont ils vont se bâffrer dans une double page somptueuse.
Des Turlutins d'Anne-Marie Chapouton, je ne me souviens que de la préparation de l'élixir de soleil.
Pareil, les monsieur-madame, je ne me souviens que de Monsieur Costaud qui mange plein d'oeufs pour être super costaud.
Je ne saurais plus trop vous dire le pitch d'aucun Club des 5, mais je me souviens de la soupe à la tomate de la tante Cécile.
Comme je ne me souviens d'une encyclopédie grosse comme ça que par la définition du plat le plus gros du monde : le chameau farci au mouton farci au poulet farci à la carpe.
Je ne parlerai même pas des livres de recettes de l'Unicef, dont je pouvais contempler les illustrations des heures durant.
Un de mes bouquins favoris entre tous est Fantastique Maître Renard, de Roald Dahl, qui est basiquement une description d'une chasse aux victuailles par des animaux traqués, qui vont piller les réserves de leurs chasseurs, les paysans Bean, Bunce et Boggis, le grand Bean qui ne se nourrit que de cidre (il est maigre et se cure le nez), Bunce le nabot de beignets de foie d'oie (ça lui donne des maux d'estomac et un caractère horrible), et l'obèse Boggis de trois poulets entiers rôtis à point à chaque repas, trois paysans dont les caves regorgeaient d'oies entières, de cruches de cidre, de poulets, et de légumes (parce que comme le disait le petit renardeau, il ne fallait pas oublier de nourrir la famille Lapin), que Renard et Blaireau ramènent au terrier collectif pour un festin de tous les diables. Qu'est-ce que j'ai pu le relire, celui-là. Avec toujours autant l'écume à la bouche.
Et je passe sous silence Valentine fait de la soupe aux orties (ça finit sur une orgie de crêpes Suzette), la Potion Magique de Georges Bouillon (quelle recette !) et tous les autres.
Ouf.Mon amour des petits plats ne semble venir que d'une enfance sans amis. Me voilà rassuré.